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Investir dans la transition énergétique

Investissement responsable
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En décembre 2020, le gouvernement du Canada a annoncé un plan ambitieux pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 36 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, dépassant ainsi l’objectif initial du Canada dans le cadre de l’Accord de Paris. Le plan comprend plusieurs mesures pour réduire les émissions de différents secteurs, soutenir le développement et l’adoption de technologies propres et rehausser la résilience des collectivités et des infrastructures face aux effets des changements climatiques.

En outre, le gouvernement du Canada s’est engagé à atteindre zéro émission nette de GES d’ici 2050, conformément à la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, qui a été sanctionnée en juin 2021. La transition vers une économie sobre en carbone présente des défis et des occasions de taille. Aussi, notre engagement en matière de décarbonation exigera la collaboration de tous les secteurs de l’économie canadienne.

Pour nous aider à atteindre l’objectif de carboneutralité, le gouvernement fédéral a défini plusieurs stratégies et politiques, dont la tarification du carbone, les investissements dans les énergies propres, les normes sur les combustibles propres, ainsi que le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC).

Dans le présent document, nous nous penchons sur le CUSC, les facteurs environnementaux et économiques qui déterminent son adoption au Canada, son potentiel en tant que thème d’investissement ainsi que les moyens pour les Canadiens d’investir dans cette technologie en plein essor.

Fonctionnement du CUSC

Les trois étapes du CUSC

  • 1. Captage du carbone : Cette étape consiste à capter les émissions de CO2 provenant des processus industriels, à les séparer des autres gaz et à les purifier en vue de leur utilisation ou de leur stockage.
  • 2. Utilisation du carbone : Le CO2 capté peut servir à différentes fins, telles que la récupération assistée du pétrole, la production de matériaux de construction (p. ex., le ciment ou le plastique) et la fabrication de produits chimiques (p. ex., le méthanol).
  • 3. Stockage (ou séquestration) du carbone : Une fois purifié, le CO2 capté peut également être stocké sous terre de manière permanente.

Importance du CUSC pour atteindre les objectifs de zéro émission nette

Le CUSC est une solution prometteuse pour réduire les émissions de GES, créer de nouveaux produits et de nouvelles sources de revenus, et décarboner les secteurs industriels. D’ailleurs, si cette technologie peut jouer un rôle clé dans la réalisation des objectifs de zéro émission nette, c’est parce qu’elle permet à des industries qui peinent à atteindre l’électrification complète (ciment, acier, produits chimiques) de réduire leur empreinte carbone sans nuire à leurs activités.

Le CO2 capté à partir de procédés industriels peut servir à durcir le béton grâce à un processus appelé carbonatation, qui favorise une réduction de l’empreinte carbone de ce matériau pouvant atteindre 30 %.

En outre, la technologie de CUSC favorise la transition vers les énergies renouvelables en procurant une source d’hydrogène à faible teneur en carbone, qui peut remplacer les combustibles fossiles utilisés dans les transports et le chauffage. Dans son Plan de réduction des émissions pour 2030, le gouvernement du Canada estime que le déploiement de la technologie de CUSC contribuera à 13 % des réductions totales d’ici à 2030.

Une technologie éprouvée

Le CUSC est étudié et développé depuis des dizaines d’années. Cependant, ce n’est que tout récemment qu’on a observé l’émergence de projets commerciaux de captage, d’utilisation et de stockage des émissions de CO2 provenant de grands procédés industriels.

Le tout premier projet de captage et de stockage du carbone à grande échelle est Sleipner, qui est exploité par l’entreprise énergétique norvégienne Equinor (anciennement Statoil) et qui fonctionne sans interruption depuis son lancement en 1996.

Sleipner capte le CO2 du gaz naturel extrait du champ Sleipner West en mer du Nord, puis l’injecte dans une formation saline à environ 1 000 mètres sous le fond de la mer en vue d’un stockage permanent. Le projet capte environ un million de tonnes de CO2 par année, ce qui équivaut à retirer 250 000 voitures de la circulation au cours d’une même période.

Situé en Alberta et exploité par Shell, le projet Quest s’est révélé un moyen efficace de réduire les émissions de carbone. Exploité avec succès depuis 2015, c’est l’un des plus grands projets de captage et de stockage du carbone au monde.

Quest capte environ le tiers des émissions de CO2 de l’usine de valorisation Scotford, qui transforme le pétrole lourd en pétrole brut léger et en produits pétroliers. Le CO2 ainsi capté est transporté vers un site de stockage souterrain situé à proximité, puis injecté à environ 2,3 kilomètres de profondeur pour être stocké de façon permanente.

Parmi les autres projets de CUSC existants, mentionnons Boundary Dam au Canada, Al Reyadah aux Émirats arabes unis et Petra Nova aux États-Unis.

Un effort coordonné

L’Alliance nouvelles voies est une initiative régionale qui vise à accélérer le déploiement de la technologie de CUSC en Alberta. Dirigé par Emissions Reduction Alberta et l’Alberta Carbon Capture and Storage Development Council, le projet vise à réduire de 50 % les émissions de GES de la province par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, et ce, grâce au déploiement à grande échelle de la technologie de CUSC.

Le projet compte une foule de partenaires sectoriels, gouvernementaux, universitaires et civils, dont Suncor, Canadian Natural Resources, Enbridge et l’Université de Calgary.

L’Alliance nouvelles voies a élaboré un plan en trois étapes pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050, alors que le niveau actuel est de 87 mégatonnes par année – un objectif ambitieux qui nécessitera des investissements de quelque 75 G$ sur 30 ans.

Principaux défis

Les obstacles à la technologie de CUSC résident principalement dans le captage du carbone, qui est considéré comme la partie la plus importante, mais aussi la plus difficile du processus.

Le projet de CUSC de Gorgon, en Australie-Occidentale, en un bon exemple. Lancé en 2019 et considéré comme l’une des plus grandes entreprises de CUSC au monde, le projet se heurte à des problèmes d’exploitation qui entravent son système d’injection de CO2.

Selon Chevron, exploitant et partenaire du projet, les problèmes techniques sont attribuables aux vannes et à la tuyauterie du système d’injection. En raison de ces déboires, le projet de CUSC de Gorgon fonctionne à capacité réduite depuis juillet 2020. Ainsi, son taux actuel de captage du carbone s’élève à quelque 40 % de la capacité nominale du projet. Chevron s’emploie activement à résoudre ces problèmes.

Bien que la technologie de CUSC ouvre d’énormes possibilités pour atténuer les changements climatiques, son adoption suscite d’importantes réserves, notamment en raison de son coût élevé et de ses risques en matière de sécurité. Cela dit, grâce à des stratégies de gestion appropriées et à des initiatives de sensibilisation, il est possible de surmonter ces obstacles et d’exploiter la technologie pour réduire les effets des changements climatiques au minimum.

L’adhésion du secteur privé

Plusieurs sociétés internationales participent activement au développement de la technologie de CUSC :

  • • Shell – a investi dans plusieurs projets de CUSC à l’échelle mondiale, notamment l’Alberta Carbon Trunk Line et Quest au Canada.
  • • ExxonMobil – a investi dans plusieurs technologies, projets et initiatives de CUSC, dont le Global CCS Institute, le National Carbon Capture Center et le Gas Technology Institute.
  • • Total – prévoit atteindre zéro émission nette d’ici 2050 et investit activement dans des projets de CUSC.
  • • BP – vise à atteindre zéro émission nette d’ici 2050 et a investi dans plusieurs technologies et projets de CUSC, notamment Teesside et Humber, Northern Lights et Acorn.
  • • Air Products – fournisseur de technologies de captage du carbone de premier plan qui participe à plusieurs projets de CUSC dans le monde, notamment Air Products Port Arthur et Air Liquide Port Arthur aux États-Unis.

Conclusion et incidences en matière de placement

La technologie de CUSC est essentielle à l’atteinte de la carboneutralité et à la lutte aux changements climatiques. Elle offre une foule d’avantages, tels que la décarbonation de secteurs industriels, la production d’hydrogène à faible teneur en carbone pour le transport et le chauffage et la création de nouveaux produits et de nouvelles sources de revenus. Cette technologie présente certains obstacles, notamment sur le plan des coûts et des risques pour la sécurité, mais ils ne sont pas insurmontables.

Certaines percées technologiques (p. ex., adsorbants solides) pourraient grandement rehausser les taux de captage du carbone et les aspects économiques des projets et, par le fait même, renforcer l’attrait de la technologie de CUSC.

Qui plus est, de nombreuses entreprises et industries devraient bénéficier de la technologie de CUSC, compte tenu de l’ampleur des investissements nécessaires à son déploiement mondial. Par exemple, il existe des mécanismes qui favorisent les investissements sur plusieurs années, comme le crédit d’impôt au titre de l’article 45Q aux États-Unis et les programmes d’aide provinciaux et fédéraux au Canada.

Compte tenu de tous ces facteurs, nous croyons que le CUSC est en train de devenir un thème d’investissement intéressant et accessible de différentes façons.

Le CUSC représente un domaine de croissance important pour les sociétés d’ingénierie, qui jouent un rôle clé dans le développement et la mise en œuvre technologiques – de la conception des installations nécessaires jusqu’au développement de technologies de captage du carbone nouvelles et innovantes.

Les entreprises d’équipement et de services énergétiques pourront par ailleurs en profiter pour percer de nouveaux marchés, lancer de nouvelles technologies et de nouveaux services et offrir des solutions durables pour l’avenir. Les entreprises qui sont prêtes à adopter le CUSC seront bien placées pour faire face à l’avenir du secteur. Par ailleurs, certaines sociétés énergétiques travaillent à la modularisation du CUSC, qui pourrait changer la donne pour l’industrie en favorisant des gains d’efficacité et en réduisant les coûts de manière substantielle.

Enfin, les grandes sociétés qui investissent dans des solutions de CUSC peuvent offrir des solutions durables de réduction des GES tout en créant des débouchés commerciaux, ce qui est avantageux à la fois pour l’environnement et pour l’économie. La récente acquisition de Denbury par ExxonMobil illustre bien ce principe. La mise en commun des actifs et des capacités propulsera les activités d’ExxonMobil dans le domaine des solutions à faible teneur en carbone et se traduira par une proposition de décarbonisation encore plus attrayante pour les clients grâce à une gamme complète de services de captage et de séquestration du carbone.

À l’heure actuelle, parmi notre offre de fonds de placement, certains de nos fonds investissent déjà dans des cabinets d’ingénierie et des sociétés d’équipement et de services énergétiques. Nous évaluons également les possibilités d’investir directement dans des sociétés offrant des solutions complètes de captage du carbone.

David Caron

Directeur sénior, gestionnaire de portefeuilles, actions nord-américaines

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