Survol des récents événements liés au secteur bancaire

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Une inquiétude croissante s’est emparée des marchés des capitaux mondiaux, n’épargnant aucun secteur et touchant plus durement les actifs risqués. L’élément déclencheur est survenu la semaine dernière, lorsque la Silicon Valley Bank (SVB) a échoué à lever du capital, ce qui a suscité des doutes sur sa capacité à répondre aux demandes de retrait des déposants. À la fin du week-end, les autorités réglementaires américaines sont intervenues pour garantir la totalité des dépôts de la SVB et de la Signature Bank de NY, et les deux banques se sont effondrées. Elles représentent respectivement la deuxième et troisième plus importante banque à tomber dans l’histoire des États-Unis.

Le sentiment de soulagement des investisseurs à la suite des mesures prises par les régulateurs pour protéger les déposants et fournir des liquidités aux banques a été de courte durée. En effet, les intervenants de marché surveillaient de près les actifs bancaires, les mesures de contrôle de risque en place (inexistantes du côté de la SVB) et une série de décotes des banques régionales américaines par les agences de notation. La situation s’est détériorée en milieu de semaine, lorsque le plus important actionnaire de Credit Suisse a indiqué qu’il ne fournirait plus de soutien financier au groupe, accentuant les inquiétudes des investisseurs puisque Credit Suisse est considérée comme une banque d’importance systémique à l’échelle mondiale, sa portée étant beaucoup plus large que celle de la SVB. Un répit est survenu en fin de journée jeudi, lorsque la Banque nationale suisse a annoncé qu’elle fournirait les liquidités nécessaires à Credit Suisse pour assurer le maintien de ses activités.

Les points à retenir

Des nuances s’imposent au Canada

Les banques canadiennes sont très bien capitalisées. Elles sont mondialement considérées comme des valeurs financières refuge étant donné leur base de dépôt solide et la surveillance réglementaire de premier ordre au pays, un constat qui fait écho à la dernière crise financière mondiale. L’examen des pertes non réalisées sur les titres d’emprunt en proportion du CET1 des banques canadiennes par rapport à celles de la SVB reflète cet avantage, tout comme le ratio de liquidité de couverture de chacune des six grandes banques canadiennes par rapport à la médiane des banques américaines ayant une importance mondiale systémique.

Les régulateurs se sont mis au travail

Credit Suisse et les banques régionales américaines font maintenant face à de fortes pressions de financement et à des risques de liquidité (malgré le récent soutien de la Banque nationale suisse). Les régulateurs américains passent actuellement au peigne fin les livres de toutes les banques régionales et prévoient divulguer leurs avancées d’ici quelques semaines.

Un parallèle prématuré

Nous croyons que la forte tendance à faire des comparaisons avec la crise financière de 2008 est prématurée. La SVB opérait dans le secteur technologique sans la présence d’un directeur des risques depuis près d’un an, alors que la Signature Bank était exposée aux aléas du marché des cryptomonnaies. Credit Suisse, quant à elle, faisait face à des difficultés depuis un certain temps déjà.

Néanmoins, la chute spectaculaire de la valeur des titres à revenu fixe en 2022 et les questions relatives à leur classification dans les catégories « détenu jusqu’à l’échéance », « détenu à des fins de négociation » ou « actif destiné à la vente » créent un malaise soutenu parmi les organismes réglementaires, les agences de notation et les investisseurs. L’attention sera désormais tournée vers les bilans des banques de façon générale. Tout investisseur institutionnel ou toute banque d’investissement ayant une exposition à des entités jugées sous-capitalisées prolongera et accentuera possiblement les préoccupations du marché. Si la situation reste contenue à quelques banques régionales américaines et au sauvetage de Credit Suisse par la Banque nationale suisse, les marchés retrouveront leur calme. Toutefois, d’autres problèmes pourraient survenir si le violent repli des actifs entraîne des tensions additionnelles dans le système. Ironiquement, la baisse des taux obligataires soulage certaines des préoccupations relatives à la valorisation des actifs à revenu fixe ayant précipité la crise actuelle. Nous assisterons probablement aussi à un resserrement généralisé des conditions de crédit aux États-Unis, les banques régionales cherchant à résoudre en partie leurs problèmes de liquidité par le biais de leurs carnets de prêts.

N'oublions pas le secteur parallèle non réglementé

Pour clore le chapitre sur les tensions auxquelles le système bancaire réglementé est confronté, mentionnons les risques liés au secteur bancaire parallèle non réglementé, qui est en plein essor depuis la grande crise financière. Depuis l’adoption de la loi Dodd-Frank il y a une dizaine d’années, les prêts à haut risque et les produits complexes ont migré vers l’industrie bancaire « alternative », un terme plus rassurant pour référer au système bancaire parallèle. Les milliards de dollars accumulés par les banques parallèles modernes ne bénéficient pas de la même surveillance ou du même filet de soutien gouvernemental en cas de crise. Nous avons commencé à observer quelques fissures dans leur capacité à lever des capitaux pour de nouveaux produits phares et un rythme plus rapide de baisse de la valeur des actifs dans un large éventail de classes d’actifs, notamment l’immobilier et la dette privée. Les banques centrales n’ont pas accordé beaucoup d’attention à ce segment du marché, mais nous pensons que les événements des derniers jours les inciteront à porter attention à ces enjeux.

Enfin, nous croyons qu’une attention particulière sera portée aux organismes réglementaires et à leur volonté d’intervenir et d’éviter des problèmes plus larges ou plus profonds, ce qui ravive les préoccupations relatives aux risques subjectifs.

Conclusion

Nous surveillons de près la situation sur tous les marchés d’actifs risqués et nous sommes à l’affut des opportunités de valorisation attrayante du côté des actions et des titres à revenu fixe. En effet, les investisseurs ont tendance à initialement se départir d’actifs liquides de haute qualité (les seuls actifs qu’ils peuvent vendre) lors des moments difficiles. À court terme, la volatilité restera à l’ordre du jour, créant des occasions de tirer parti des fluctuations de marché.

Quelques définitions

CET1 : Le ratio des actions ordinaires de catégorie 1 est une mesure cruciale dans le domaine de la réglementation bancaire. Il est composé des fonds propres de catégorie 1 (ou « de base »), qui incluent principalement les actions ordinaires et les bénéfices non répartis. Les fonds propres de catégorie 1 sont ensuite divisés par l’actif total pondéré en fonction des risques de la banque, en tenant compte du risque de chaque actif. Les banques canadiennes ont un CET1 (13,7 %) supérieur à la moyenne de leurs homologues américaines (11,7 %), ce qui démontre qu’elles sont gérées de façon plus prudente.

Ratio de liquidité de couverture (LCR) : Cette mesure vise à s’assurer qu’une institution financière dispose d’une quantité adéquate d’actifs liquides de haute qualité et non grevés, qui peuvent être convertis en espèces, moyennant peu ou pas de perte de valeur, pour répondre à ses besoins de liquidité dans un scénario de crise de liquidité de 30 jours. Le LCR est un indicateur clé pour s’assurer qu’une banque dispose de liquidités suffisantes. Ceux des banques canadiennes sont bien au-dessus de l’exigence minimale de 100 % du Bureau du superintendant des institutions financières, variant entre 122 % et 151 %. Les banques américaines d’importance mondiale, quant à elle, affichent des LCR plus faibles, variant de 106 % (State Street Corp) à 136 % (Morgan Stanley). Ainsi, les banques canadiennes ont plus d’actifs liquides pour couvrir les retraits que leurs homologues américaines. Nous nous attendons à ce que les banques se concentrent sur l’amélioration de ce ratio au cours des prochains trimestres afin de solidifier leurs capacités de liquidité. Soulignons que les banques régionales américaines comme la SVB n’étaient pas assujetties à cette exigence.

Banque parallèle : Ce terme est utilisé pour décrire les activités bancaires qui se déroulent à l’extérieur du secteur bancaire réglementé. Les acteurs traditionnels de ce secteur sont les fonds obligataires, les fonds monétaires, les sociétés de financement spécialisées et, désormais, les gestionnaires d'actifs alternatifs. Leur activité principale consiste généralement à prêter à des conditions sur mesure à différents types d’emprunteurs, bien que les levées de capitaux aient joué un rôle plus important au cours des dernières années. Un trait caractéristique du système bancaire parallèle est sa nature relativement non réglementée, ce qui offre beaucoup plus de flexibilité aux acteurs du marché par rapport aux institutions financières réglementées.

Philippe Jacquemot

Directeur, Recherche, Obligations corporatives nord-américaines

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Jason Parker

Vice-président, revenu fixe

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Dan Rohinton

Vice-président, gestionnaire de portefeuilles, dividendes mondiaux

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