Macro & Stratégie - Avril 2023

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Peut-on espérer une stabilité des prix ET une stabilité financière en 2023?

De toute évidence, le vent peut tourner rapidement.

En février, nous avions surtout mis l’accent sur l’économie – toujours aussi surchauffée – et sur la façon dont elle contribuait probablement au maintien de l’inflation. Or, le vent a tourné rapidement en mars, cédant la place aux risques liés à la stabilité financière et plaçant les banques centrales en position difficile. En rétrospective, tout paraît toujours très clair, mais le dernier Rapport annuel du Board of Governors of the Federal Reserve System portant sur l’année 2021 (les rapports sont publiés en juillet) indique que la Fed connaissait, depuis plus d’un an, les risques de taux d’intérêt menaçant les bilans du secteur bancaire américain.

En d’autres mots, la réponse massive des autorités en matière budgétaire et monétaire à l’égard de la pandémie ont inondé de dépôts les banques partout dans le monde. Ces dépôts ont ensuite été investis dans des produits de long terme : prêts, bons du Trésor de long terme, etc. Mais l’un des cycles de resserrement parmi les plus agressifs de la longue histoire des banques centrales a fait augmenter les courbes de rendement (et les taux de court terme, encore plus), entraînant des problèmes de liquidité pour certaines banques américaines.

Les taux de long terme plus élevés signifient que les actifs à long terme, comme les bons du Trésor et les prêts, doivent être évalués au marché (rappelons que, contrairement au Canada, les États-Unis préconisent généralement des prêts hypothécaires à taux fixe sur 30 ans plutôt que sur 5 ans). Cela a suffi pour effrayer certains déposants de la tristement célèbre Silicon Valley Bank (SVB) et mené à la première panique bancaire en sol américain depuis la grande crise financière. Fait intéressant à noter : bien que la récente hausse des taux d’intérêt hypothécaires au Canada a placé certains ménages dans une position délicate, elle témoigne tout de même de la résilience du secteur bancaire canadien.

Depuis la chute rapide de SVB, la Fed, le Trésor américain et le FDIC ont mis en place plusieurs mesures d’urgence pour maîtriser les risques d’illiquidité, avec un certain succès pour l’instant. À la fin du mois, la situation demeurait toutefois incertaine. En effet, les comportements humains sont imprévisibles de nature, surtout lorsque les épargnes des ménages ou les fonds des entreprises sont en jeu.

Il n’en demeure pas moins que des signaux forts ont été envoyés par les principales banques centrales au cours des dernières semaines : la lutte contre l’inflation fait toujours rage (voir notre numéro du mois dernier sur la nécessité de conserver une position plus ferme) et le resserrement monétaire demeurait nécessaire, du moins jusqu’à maintenant. Selon Jay Powell et Christine Lagarde, il est possible d’assurer la stabilité financière en utilisant d’autres outils à leur disposition.

Nous nous demandons si cette affirmation tient la route alors que l’instabilité financière découle essentiellement 1) de la vitesse et de la vigueur du cycle de hausses de taux en cours; 2) du resserrement quantitatif; 3) des banques toujours inondées de dépôts non désirés; 4) de la concurrence féroce entre les fonds de marché monétaire et les comptes d’épargne; et 5) de la présence du mécanisme de prise en pension (reverse-repo) de la Fed. Regardons la situation de plus près.

Un plus grand nombre de banques américaines pourraient avoir des problèmes de liquidité

Les récents problèmes auxquels a été confrontée SVB pourraient découler directement de son modèle d’affaires (et de ses épouvantables pratiques de gestion de risque, qui serviront assurément d’exemples pour les générations à venir). Malgré tout, les banques américaines continueront sans doute à faire face aux sorties structurelles de leurs dépôts pendant un certain temps. C’est pourquoi il demeure malheureusement probable qu’un plus grand nombre de banques parmi les quelque 4 550 banques régionales fassent faillite, soient acquises ou contraintes de fusionner.

Un article du NBER (National Bureau of Economic Research) publié récemment sous-entend que de nombreuses banques américaines risquent de perdre de la valeur si, pour une raison ou une autre, leurs dépôts subissaient une pression soutenue.

Selon les auteurs : « … même si seulement la moitié des déposants non assurés décidaient de retirer leurs fonds, près de 190 banques risqueraient une perte de valeur pour les déposants assurés, menaçant potentiellement 300 milliards de dollars de dépôts assurés. Si les retraits de dépôts non assurés provoquent ne serait-ce qu’une faible quantité de ventes forcées, un nombre nettement plus élevé de banques serait à risque. Globalement, ces calculs supposent que les récentes baisses de la valeur des actifs des banques ont considérablement accru la fragilité du système bancaire américain face aux retraits des déposants non assurés. » [Traduction]

Les mesures récentes des autorités pour fournir des liquidités aux banques et la proposition d’élargir l’assurance-dépôts à la plupart sinon à l’ensemble des dépôts ont certainement aidé à déjouer les pronostics de panique bancaire. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a plus de pression sur les dépôts.

Panique bancaire ou non, le resserrement quantitatif continuera d’exercer une pression sur les dépôts

Premièrement, en achetant de nombreux types d’actifs en réponse à la pandémie de COVID-19, les programmes d’assouplissement quantitatif de 2020 étaient différents de ceux de 2008, ce qui a créé de nouveaux risques. Par exemple, la Banque du Canada a acheté des actifs comme des obligations hypothécaires du Canada, du papier commercial, des acceptations bancaires, des obligations de sociétés, ainsi que des dettes publiques fédérales et provinciales. Évidemment, la Fed a acheté des bons du Trésor et des titres adossés à des créances hypothécaires.

Ces achats visaient à encourager les dépenses et les investissements – et y sont parvenus. Comme toutes les dépenses des ménages et des entreprises finissent par se retrouver dans le compte bancaire de quelqu’un d’autre, cela a eu pour effet de gonfler directement les dépôts dans les banques commerciales. En fait, les dépôts bancaires ont grimpé d’environ 4,5 T$ aux États-Unis entre le début de 2020 et le milieu de 2022; une croissance similaire à celle du bilan de la Fed. Le portrait est semblable au Canada, mais avec des chiffres dix fois plus bas, soit environ 450 G$.

Les banques se sont donc retrouvées inondées de liquidités, qu’elles ont dû ensuite investir. Devant ces rentrées de fonds sans précédent, la Fed a choisi de modifier légèrement son ratio de levier supplémentaire, évitant que le boom historique de leurs bilans ne force les banques à répondre à des besoins de capitaux sans cesse croissants.

La taille des entrées d’argent a tout de même incité les banques à acheter d’importantes quantités d’actifs de qualité et de longue durée, comme les titres du Trésor et les obligations du gouvernement canadien, ainsi qu’à prêter cet argent aux ménages et aux entreprises sous forme de prêts à long terme.

Par conséquent, le problème de disparité en matière de liquidité (ou le risque lié aux taux d’intérêt) a augmenté, ce qui signifie que les banques détiennent maintenant d’importantes positions dans des actifs à long terme pour répondre aux besoins des passifs à court terme. Bien que certains de ces actifs soient liquides (comme les titres du Trésor), certains ne le sont clairement pas, comme les prêts à long terme qui ne sont généralement pas remboursables par anticipation.

Maintenant que les banques centrales sont passées de l’assouplissement quantitatif au resserrement quantitatif, un simple calcul comptable montre que les sorties issues des dépôts devraient, au cours du programme, équivaloir à la taille des entrées générées entre 2020 et 2022. Après tout, le resserrement quantitatif est un programme qui retire des liquidités du système de facto et, à moins qu’il ne soit bien ajusté (nous croyons que les banques centrales n’auront d’autres choix que de le ralentir considérablement), crée de potentielles difficultés pour les dépôts.

Comme l’illustre les graphiques ci-dessus, les sorties issues des dépôts se sont grandement accélérées au cours de la dernière année, avec des réductions d’environ 540 G$ aux États-Unis et 110 G$ au Canada, tous deux avoisinant la réduction des bilans de la Fed et de la Banque du Canada au cours de cette période.

Les dépôts sont au coeur du passif des banques; par conséquent, la capacité d’assurer les besoins liés aux sorties de fonds à partir des actifs devra être équivalente, ce qui signifie d’éventuelles ventes forcées à l’horizon.

La question n’est donc pas « quand la Fed commencera-t-elle à réduire son taux directeur? », mais plutôt « quand la Fed mettra-t-elle fin à son programme de resserrement quantitatif? ».

L’attrait des fonds de marché monétaire

Attendez, ce n’est pas tout!

Pour la première fois depuis la grande crise financière, les dépôts bancaires, qui s’accompagnent généralement de faibles taux d’intérêt, sont maintenant en sérieuse concurrence avec les taux attrayants des fonds de marché monétaire (FMM). Selon Bankrate.com, le taux national moyen des comptes d’épargne aux États-Unis se situe actuellement à 0,2 %, alors que les FMM offrent des taux d’environ 4,5 % à 5,0 %, grâce au resserrement massif de la politique monétaire au cours des douze derniers mois.

Dans un comportement purement rationnel, de nombreux déposants ont transféré leurs fonds de leurs comptes bancaires vers des FMM, qui offrent de bons rendements et sont liquides. Les données d’ICI indiquent que les actifs des FMM américains se sont accrus de plus de 600 G$ au cours des douze derniers mois. La majeure partie de ce montant provient des dernières semaines.

Mais les FMM ne peuvent pas prendre de dépôts, au sens où aucun argent ne circule réellement dans ces fonds. L’argent qui quitte le compte bancaire vers un FFM est plutôt viré dans le compte bancaire du FMM, à partir duquel il est utilisé pour acheter le papier commercial ou la dette de court terme dans lesquels le fonds souhaite investir. Lorsque les actifs sont achetés par le FMM, l’argent est ensuite transféré dans le compte bancaire du vendeur de l’actif. Par conséquent, les entrées dans les FMM déplacent les dépôts à l’intérieur du système bancaire, mais ne les sortent pas vraiment.

Cependant, la situation a changé depuis l’introduction en 2013 du programme de prise en pension de la Fed, visant à assurer la mise en oeuvre efficace du cadre de la politique monétaire des banques centrales. Il devient maintenant évident que son existence déstabilise grandement le système bancaire américain.

Une transaction de mise en pension (ou « repo ») est effectuée lorsqu’une banque emprunte de l’argent à une autre banque OU à une banque centrale, et qu’elle dépose une garantie en échange (habituellement des obligations de grande qualité). Le marché des pensions est devenu l’un des plus grands marchés au monde; celui des États-Unis fait circuler à lui seul près de 3 T$ de financement par jour. Comme vous vous en doutez, une prise en pension (ou « reverse-repo ») fait l’inverse. On peut citer, en exemple, un FMM qui demande à sa banque dépositaire de déposer des réserves à la Fed (en puisant dans les dépôts du FMM à la banque), en contrepartie des titres qu’il détient alors pour ses clients.

La taille du programme de prise en pension a augmenté considérablement depuis mars 2021, au moment de l’exemption du ratio de levier supplémentaire. Auparavant, les banques empruntaient auprès des FMM en échange de garantie. Or, depuis l’expiration de cette exemption et comme les banques sont toujours inondées d’argent, la demande pour la liquidité des banques s’est tarie. Les FMM ont dû se tourner vers le mécanisme de prise en pension de la Fed, gonflant ainsi le solde à plus de 2 T$.

On comprend avec ce qui précède que l’utilisation du mécanisme de prise en pension par les FMM n’est pas nouvelle. Cependant, elle indique que les banques ont eu trop de liquidités depuis la mise en place des mesures liées à la COVID-19. Ce qui est nouveau, toutefois, c’est que les taux d’intérêt à court terme, qui sont relativement attrayants, incitent fortement les déposants à sortir leurs fonds des banques pour inonder les FMM, qui se tournent ensuite vers la banque centrale, et retirent les dépôts du système.

La stabilité financière est-elle possible en même temps que la stabilité des prix?

En résumé, deux forces sont en jeu. À moins qu'une nouvelle réglementation ne soit adoptée ou que les banques centrales ne modifient l'orientation de leur politique monétaire, celles-ci devraient continuer à priver les banques de leurs dépôts et menacer la stabilité financière.

Premièrement, le resserrement quantitatif (RQ) pompe directement de l'argent hors du système, en comprimant les dépôts dans une proportion d'un dollar pour un dollar. Si les banques éprouvent des difficultés à fournir des liquidités à leurs déposants pendant que ce vide s'installe, les banques centrales seront contraintes de ralentir le rythme du RQ ou de faire preuve de créativité avec les autres mesures de leur boîte à outils, et ce, afin de limiter les risques pour la stabilité financière.

Deuxièmement, la pression exercée par l'attrait des taux des FMM par rapport aux comptes d'épargne commence à peine à se faire sentir, et l'écart s'est encore creusé avec les hausses annoncées en mars par la BCE et la Fed. Comme les taux courts devraient rester élevés et que la volatilité revient sur les marchés, il est raisonnable de s'attendre à des flux encore plus importants vers les fonds de marché monétaire. À leur tour, ces fonds se tourneront vers le programme de prise en pension de la Fed, ce qui aura pour effet de pomper encore plus de dépôts hors du système.

Il s'agit donc de choisir entre la stabilité financière et la stabilité des prix. L'inflation mondiale est plus forte que prévu il y a seulement quelques mois, comme l’indique le rebond surprise de la croissance annuelle de l'IPC au Royaume-Uni, qui a dépassé 10 % en mars.

Les banques centrales disposent de plusieurs outils; elles doivent utiliser celui qui sera le mieux adapté au travail à faire. Si la stabilité financière est compromise, l'impact économique sera probablement une récession plus sévère, ce qui devrait résoudre les problèmes d'inflation. Mais est-il raisonnable, dans le contexte particulier de 2023, de s'attendre à ce que les banquiers centraux s'attaquent à la fois à la stabilité financière et à la stabilité des prix?

Qu’en est-il des banques canadiennes?

L'analyse ci-dessus est plutôt centrée sur les États-Unis, car 1) c'est là que les récentes turbulences ont été observées et 2) le modèle bancaire très décentralisé de l'économie américaine est plus sujet aux accidents. Bien que la dynamique générale de vents contraires qui soufflent actuellement sur les bilans des banques soit également observée au Canada (diminution des dépôts par le RQ, attrait des FMM), certains éléments nous laissent penser que notre système bancaire est assez solide pour faire face aux risques imminents auxquels les États-Unis font face.

D'abord et surtout, le profil plus centralisé et oligopolistique du secteur bancaire canadien doit être considéré comme un atout. En effet, nos grandes banques sont toutes de taille relativement importante et bien diversifiées géographiquement.

Ensuite, le secteur financier canadien est bien réglementé et les exemptions de capital offertes aux petites banques américaines dans le cadre de la réforme législative de 2018 ne sont pas courantes de ce côté-ci de la frontière. Il est également plus facile pour les régulateurs canadiens de réunir tous les PDG autour d'une table en période de turbulence.

Enfin, le programme de prise en pension de la Banque du Canada n'a pas connu le type d'afflux caractéristique de celui de la Fed (du moins pas encore), ce qui laisse supposer que la pression sur les dépôts induite par les FMM utilisant le bilan de la Banque du Canada pourrait être moins forte.

Évidemment, nous n'excluons pas la possibilité que les banques canadiennes finissent elles aussi par être confrontées à la normalisation rapide de la politique monétaire. Nous continuerons à partager les résultats de notre analyse de la situation au cours des prochains mois.

Conclusion

Actions

Les turbulences dans le secteur bancaire américain influencent nos perspectives, surtout en ce qui a trait aux conditions du crédit.

Avec le bilan des banques dans le collimateur, et le risque de voir une confiance ébranlée à court terme quant à la solvabilité d’autres banques, on doit s’attendre à ce que plus d’institutions bancaires resserrent leurs critères d’octroi des prêts. En fait, bien que l’historique soit court à ce sujet, une hausse marquée de l’utilisation du guichet d’escompte de la Fed tend à être suivie par un resserrement significatif des critères de prêts des petites banques.

Bien que le terme « petites banques » puisse sembler anodin, il est important de rappeler à nos lecteurs que celles-ci émettent environ la moitié des prêts commerciaux et industriels et représentent 80 % des activités d’emprunt du secteur de l’immobilier commercial aux États-Unis.

L’optimisme général des petites entreprises, quant à lui, est plutôt sensible aux critères d’octroi des prêts. Et comme les petites entreprises génèrent environ les deux tiers de la création d’emploi aux États-Unis, l’impact sur le marché du travail pourrait être rapide.

L’indice des directeurs d’achat du secteur manufacturier (PMI) est déjà en zone de correction. Compte tenu de l’importance du cycle de crédit, il est raisonnable d’anticiper encore plus de vents contraires pour la croissance. L’indice PMI publié par l’Institute for Supply Management est un indicateur avancé relativement fiable de la croissance des bénéfices par action (BPA) du S&P 500, et il signale déjà une contraction plutôt qu’une expansion des bénéfices en 2023. Les développements récents ne font que renforcer nos perspectives négatives sur les BPA.

Une autre raison nous pousse à demeurer prudents par rapport aux actions américaines : malgré les mouvements de prix extrêmes observés récemment du côté des obligations souveraines, la prime de risque sur actions du S&P 500 est restée autour de 2 %. De plus, l’indice VIX est demeuré bas malgré le bond impressionnant de l’indice MOVE. Le marché des actions demeure donc relativement cher, et les investisseurs boursiers réagissent peu au contexte de risque accru.

Puisque les actions s’échangent à des multiples plus élevés sur Wall Street que sur les marchés internationaux, nous gardons le cap et continuons de sous-pondérer les actions tout en maintenant un positionnement prudent, et nous préférons le marché mondial à celui des États-Unis.

Revenu fixe

Le mois de mars a été l’un des plus volatils de l’histoire des taux : des mouvements de 10 points de base et plus sur les taux de court et long termes ont été observés sur plusieurs jours consécutifs. Puisque notre scénario de base prévoit un essoufflement de l’économie mondiale en 2023, et que le risque de récession au cours des 12 prochains mois a vraisemblablement augmenté, nous sommes toujours à l’aise avec notre surpondération dans les titres à revenu fixe. Nous avons une préférence pour les obligations souveraines de longue durée et le crédit de qualité de courte durée.

La volatilité devrait persister cette année, mais à notre avis, il est probable que les titres à revenu fixe surperforment les actions en 2023. La Fed et la BCE ont continué à hausser les taux et ont communiqué leur intention de poursuivre le resserrement, au moins à brève échéance, tout en mettant l’accent sur l’incertitude inhérente à leurs prévisions. Par conséquent, nous estimons que le risque de resserrement excessif et/ou d’incident financier est devenu important. Au cours des prochains mois, nous voyons un réel potentiel d’une liquidation forcée des positions courtes (« short squeeze ») sur les contrats à terme sur obligations du Trésor américain.

Le plus récent discours de la Fed nous indique aussi que le cycle de resserrement tire à sa fin, avec une dernière hausse de taux qui pourrait survenir en mai. Historiquement, une transition vers une durée plus longue après la dernière hausse de taux a généralement été favorable pour les investisseurs, ce qui cohérent avec notre positionnement.

Matières premières et devises

Le dollar américain a été très volatil en mars; il s’est déprécié d’environ 2 %, poussant l’euro et l’or à la hausse. Le contexte macroéconomique mondial est devenu plus risqué avec les turbulences dans le secteur bancaire, faisant chuter le prix du pétrole et entraînant le dollar canadien à la baisse pendant le mois.

Nous continuons à surpondérer le dollar américain pour ses caractéristiques contracycliques. Les premiers signes de ralentissement économique que nous observons pourraient soutenir la devise américaine à court terme, ce qui nous pousse à conserver notre positionnement actuel pour un peu plus longtemps.

En ce qui a trait à l’or, nous constatons l’émergence de signaux positifs.

Les inquiétudes grandissantes au sujet du système bancaire mondial, combinées à la fin potentielle du cycle de resserrement de la Fed, pourraient soutenir l’or au cours des prochains mois.

Tout comme le dollar américain, l’or peut agir comme valeur refuge en période de turbulence. Les conseillers en négociation de marchandises ont déjà augmenté leurs positions longues, signalant un changement potentiel du sentiment des spéculateurs. Les flux de capitaux dans les FNB suivent une tendance similaire, bien que moins prononcée.

Malgré tout, nous préférons attendre de voir comment la situation évoluera, puisque l’or tend à surperformer une fois que les taux ont atteint un sommet, et pas nécessairement avant. Nous demeurons donc patients et nous attendons les bonnes conditions macroéconomiques avant d’augmenter notre position dans l’or.

Scénarios de marché de 12 mois (en date d’avril 2023)

Scénario de base (50 %)

  • L’accélération récente du marché du travail nord-américain montre que l’économie est plus résiliente que prévu, et l’effet de richesse qui en découle est potentiellement assez important pour aider à éviter une récession en 2023.
  • Cependant, les récentes turbulences dans le secteur bancaire montrent que les injections massives de liquidités de 2020-2022 créent des enjeux pour les banques; la vague de retraits entraîne un décalage des taux d'intérêt dans leurs bilans. Les banques resserrent leurs conditions de prêt et le cycle du crédit ralentit brusquement. Cette situation augmente le risque de récession pour 2023, de sorte que les risques sont plus équilibrés que ce qu’on prévoyait le mois dernier.
  • L’inflation mondiale demeure plus persistante que ce que les participants du marché prévoient actuellement. Les effets de base ramènent l'inflation annuelle entre 3 et 4 % en milieu d'année, avant une légère accélération au second semestre.
  • La Fed et la BCE croient que leur travail n’est pas terminé et continuent de resserrer leur politique monétaire au premier semestre de 2023. La Banque du Canada reste sur les lignes de côté alors que les risques pour le système financier entraînent un resserrement des critères d’octroi de prêts.
  • Les premières baisses de taux par les banques centrales n'interviennent qu'en 2024, lorsque l'inflation donne enfin des preuves de ralentissement.
  • Le ralentissement du marché immobilier résultant de l’accumulation de taux plus élevés continue de nuire à l’effet de richesse, ce qui maintient une relative faiblesse de l’économie mondiale. Les taux de chômage augmentent légèrement au deuxième semestre de 2023, lorsque l’incidence complète des hausses de taux de 2022 sera réalisée. La réouverture de la Chine offre un certain support à la croissance mondiale, mais ne change pas la trajectoire générale. La guerre en Ukraine, les sécheresses mondiales et les prix élevés des engrais continuent d'exercer une pression à la hausse sur les prix des denrées alimentaires.
  • Le marché baissier des actions se poursuit jusqu’à un événement de capitulation, avec un creux probable en 2023.
  • Les courbes des taux souverains demeurent inversées pendant la majeure partie de l'année. Les taux longs ont considérablement augmenté et présentent une opportunité intéressante compte tenu des perspectives de croissance et de la politique monétaire.
  • Surpondération de la durée et du dollar américain, sous-pondération des actions.

Scénario pessimiste : inflation persistante et turbulence bancaire (25 %)

  • L’inflation demeure persistante et supérieure aux cibles des banques centrales, et les taux directeurs sont relevés au-delà des attentes actuelles du marché et plus rapidement.
  • Les taux courts élevés poussent l'argent des dépôts bancaires vers les fonds de marché monétaire, ce qui pèse sur les bilans des banques et provoque de nouvelles turbulences dans le secteur bancaire américain. N’étant pas confrontées à ces obstacles, les banques canadiennes restent solides.
  • Les banques centrales maintiennent leurs taux directeurs au niveau terminal jusqu'en 2024 et ont recours à d’autres programmes comme le BTFP et leur guichet d’escompte pour injecter des liquidités et éviter des retraits bancaires massifs.
  • L’économie ralentit considérablement en deuxième moitié d’année, ce qui entraîne une détérioration plus marquée de l’emploi.
  • La récession est plus profonde en Europe et, avec un espace budgétaire limité, les gouvernements ont moins de marge de manoeuvre pour stimuler l’économie.
  • Le marché baissier se poursuit, mais les baisses sont plus importantes. Le creux absolu des marchés boursiers se déplace vers 2024.
  • Le marché obligataire poursuit son recul alors que les investisseurs revoient à la hausse les taux terminaux.
  • Sous-pondération des actions, de la durée et des titres à revenu fixe. Surpondération du marché monétaire et du dollar américain.

Scénario optimiste : inflation en baisse et pivot (10 %)

  • L'inflation revient à la cible plus rapidement que prévu, permettant aux banques centrales de commencer à assouplir leur politique monétaire en seconde moitié de 2023.
  • La pression sur les banques s’atténue et les faillites se limitent à des cas spécifiques aux États-Unis.
  • Dans l'ensemble, un resserrement monétaire moindre est nécessaire et les taux terminaux s’avèrent légèrement inférieurs aux prévisions actuelles.
  • La plupart des économies avancées évitent une récession.
  • Les prix de l'énergie sont soutenus par une forte demande.
  • Les prix des métaux de base entrent dans un nouveau super cycle haussier, compte tenu de leur rôle dans la transition énergétique.
  • Les marchés boursiers et obligataires rebondissent alors qu'une récession est évitée.
  • Surpondération des actions, des métaux de base et des obligations. Sous-pondération du marché monétaire et du dollar américain.

Autres (15 %)

  • Crise bancaire.
  • Escalade ou résolution du conflit en Ukraine.
  • Escalade des tensions entre la Chine et les États-Unis.
  • Ralentissement économique mondial plus rapide que prévu.

Sébastien Mc Mahon

Vice-président, allocation d'actifs, stratège en chef, économiste sénior et gestionnaire de portefeuilles

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