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Macro & Stratégie - Janvier 2024

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Sommes-nous sortis du bois? Une analyse selon la règle de Taylor

Les marchés suivent de près les banques centrales du monde entier, surveillant leurs décisions politiques et réagissant en conséquence.

La réaction récente au discours de la Fed a été linéaire : les actions ont augmenté et les taux de long terme ont baissé, ce qui s'est traduit par un assouplissement marqué des conditions financières.

Pendant ce temps, le gouverneur de la Banque du Canada (BdC), Tiff Macklem, a fait part de son optimisme quant à l'atteinte de la cible d'inflation de 2 %, tout en réitérant qu'il est encore trop tôt pour commencer à parler de baisses de taux. Anticipant une année de transition en 2024, il a indiqué que les effets différés des taux d'intérêt pèseront sur l'économie au début de l’année, entraînant une baisse des dépenses et limitant la croissance ainsi que l'emploi.

Pour 2024, nous pensons que la règle éprouvée de Taylor pourrait donner des indications sur les dynamiques à venir en matière de politique monétaire.

La règle de Taylor

La règle de Taylor est un outil pratique pour comprendre les moteurs de la politique monétaire.

Elle fournit un cadre systématique et transparent pour ajuster les taux d'intérêt en fonction des conditions économiques en vigueur. En liant les décisions relatives aux taux d'intérêt à des facteurs mesurables tels que le taux d'inflation, l'écart de production et le taux d'intérêt réel neutre, cette règle aide les banques centrales à prendre des décisions plus objectives et plus cohérentes.

Cette transparence permet aux participants du marché d'anticiper les actions des banques centrales, ce qui mène à des décisions d'investissement mieux informées tout en atténuant potentiellement la volatilité sur les marchés. De fait, la règle de Taylor contribue à combler le fossé entre les actions des banques centrales et la compréhension ainsi que l'interprétation de ces actions par le marché, favorisant la stabilité et des décisions éclairées.

La règle de Taylor est une ligne directrice de politique monétaire que les banques centrales peuvent utiliser pour fixer les taux d'intérêt à court terme en fonction des conditions économiques. Elle a été proposée par l'économiste américain John B. Taylor en 1993 pour aider les banques centrales à prendre des décisions cohérentes, transparentes et objectives lorsqu'elles fixent les taux d'intérêt.

La règle comporte trois éléments principaux : le taux d'inflation, l'écart de production et le taux d'intérêt réel neutre.

1. Taux d’inflation: Il s’agit du principal facteur pris en compte par les banques centrales lorsqu'elles fixent les taux d'intérêt. Selon la règle de Taylor, si le taux d'inflation est supérieur à la cible, les banques centrales doivent augmenter les taux d'intérêt pour lutter contre l'inflation. Inversement, si le taux d'inflation est inférieur à la cible, les banques centrales devraient baisser les taux d'intérêt pour stimuler la croissance économique.

2. Écart de production: L'écart de production mesure la différence entre la production réelle et la production potentielle d'une économie, la production potentielle étant le niveau de production le plus élevé qu'une économie peut soutenir sans entraîner une hausse de l'inflation. Un écart de production positif indique une surchauffe de l'économie, tandis qu'un écart de production négatif indique une sousperformance de l'économie. Selon la règle de Taylor, les banques centrales doivent augmenter les taux d'intérêt lorsque l'écart de production est positif et les baisser lorsque l'écart de production est négatif.

3. Taux d’intérêt réel neutre: Il s'agit du taux d'intérêt qui ne stimule ni ne freine la croissance économique lorsque l'économie fonctionne à son potentiel et que l'inflation est stable. La règle de Taylor intègre ce taux d'intérêt réel neutre pour tenir compte des variations du taux de croissance potentiel de l'économie ou d'autres facteurs à long terme affectant les taux d'intérêt.

Dans sa forme la plus simple, la règle de Taylor peut être formulée comme suit :

Taux d'intérêt = taux d'intérêt réel neutre + taux d'inflation cible + 0,5 × (taux d'inflation réel - taux d'inflation cible) + 0,5 × écart de production.

L'utilisation de l'écart de chômage, plutôt que l'écart de production, dans le contexte de la règle de Taylor est souvent considérée comme plus pratique pour plusieurs raisons :

1. Disponibilité des données : Généralement, les données sur le chômage sont plus facilement disponibles et mises à jour plus fréquemment que les données sur la production. Les taux de chômage sont généralement publiés tous les mois, alors que les estimations du produit intérieur brut (PIB) ou de la production potentielle sont souvent publiées avec un certain délai, sur une base trimestrielle ou même annuelle. L'écart de chômage est donc une mesure plus adéquate et plus actuelle de la marge de manœuvre économique.

2. Facilité d’interprétation : L'écart de chômage est simplement la différence entre le taux de chômage réel et le taux de chômage naturel (ou d'équilibre). Il est donc relativement simple à interpréter, car un écart de chômage élevé indique que les ressources en main-d'œuvre sont sous-utilisées, tandis qu'un écart plus faible témoigne d'un marché du travail plus étroit.

3. Politique axée sur le marché du travail : Les banques centrales ont souvent le double mandat de maintenir la stabilité des prix et d'atteindre le plein emploi. Par conséquent, l'intégration directe de l'écart de chômage dans la règle de Taylor est plus cohérente avec les objectifs de plusieurs autorités monétaires.

En intégrant l'écart de chômage dans la règle de Taylor, nous obtenons la formule suivante :

Taux d’intérêt = taux d’intérêt naturel + taux d'inflation cible + 0,5 × (taux d'inflation - taux d'inflation cible) - 0,5 × (taux de chômage - taux de chômage cible)

Ajustement de la règle de Taylor pour tenir compte de la persistance

L'une des critiques du modèle de la règle de Taylor est qu'il peut être très réactif et que son utilité pour guider véritablement les décisions de politique monétaire est limitée.

En réalité, les banques centrales ont tendance à modifier progressivement les taux d'intérêt, plutôt que de procéder à des changements brusques selon la situation économique. Les autorités monétaires ont tendance à préférer les ajustements graduels pour éviter d'exacerber les fluctuations économiques et parce que cela leur permet d'en apprendre davantage sur les effets de leurs changements de politique au fur et à mesure qu'ils se matérialisent. En outre, les banques centrales sont souvent prudentes lorsqu'elles ajustent les taux d'intérêt, compte tenu de l'incertitude entourant les données économiques, les changements économiques structurels et les effets décalés de la politique monétaire sur l'économie réelle.

Pour mieux refléter ce comportement, nous devons procéder à un ajustement qui tient compte de la persistance. Nous modifions la règle de Taylor pour tenir compte de la persistance en incorporant le taux d'intérêt directeur différé dans la formule. La règle de Taylor ajustée devient alors :

Taux d'intérêt = a × (taux d'intérêt réel neutre + taux d'inflation cible + 0,5 × (taux d'inflation réel - taux d'inflation cible) - 0,5 × écart de chômage) + (1 - a) × taux d'intérêt directeur précédent

Ici, "a" est un paramètre compris entre 0 et 1 qui reflète le degré de persistance de la politique. Si "a" est près de 1, la banque centrale est moins sensible aux changements des conditions économiques et accorde plus d'importance à l'ajustement progressif des taux d'intérêt. Si "a" est près de 0, la banque centrale est plus réactive aux changements économiques et moins ancrée dans le passé.

En ajoutant le paramètre de persistance (calibré à 0,8 dans la présente étude) à la règle de Taylor, nous pouvons mieux refléter le comportement réel des banques centrales dans leurs décisions de fixation des taux d'intérêt, en reconnaissant leur préférence pour des ajustements graduels et en améliorant l'applicabilité de la règle à la fois dans l'analyse et l'orientation de la politique monétaire.

La règle de Taylor en action

Le graphique ci-dessus montre le taux des fonds fédéraux, la règle de Taylor sans lissage et la règle de Taylor avec lissage pour chaque mois, de novembre 1995 à novembre 2023.

L'accent mis sur la période la plus récente, à partir de 2020, permet d'illustrer l'utilité du modèle. Entre mars et juin 2020, la Fed a fortement réduit son taux directeur afin de dégager des liquidités financières. Le taux de chômage a atteint le niveau record de 14,7 % en avril 2020, en raison de l'impact immédiat et négatif de la pandémie sur le marché du travail. Au cours de cette période, la règle de Taylor (lissée ou non) a affiché des valeurs négatives, suggérant que la politique monétaire conventionnelle ne serait pas suffisante pour faire face à la crise.

De juillet 2020 au début de 2022, alors que l'économie mondiale se redressait, la Fed a maintenu les taux à un niveau près de la limite inférieure de zéro afin de stimuler la croissance économique. Le taux de chômage a progressivement diminué, tandis que l'inflation a fortement augmenté en raison de divers facteurs tels que les perturbations de la chaîne d'approvisionnement et la demande refoulée des consommateurs. En conséquence, la règle de Taylor suggère que les taux de la Fed auraient dû commencer à augmenter immédiatement et se situer à environ 2 %, sur la base de l'estimation lissée la plus prudente, au moment où la Fed a finalement commencé à intervenir.

Enfin, du début de 2022 à novembre 2023, la trajectoire réelle de la politique monétaire a été largement conforme aux prescriptions de la règle de Taylor lissée, mais nettement inférieure aux recommandations de la formule classique.

Le signal que nous recevons actuellement est que la politique monétaire n'est pas encore assez stricte, mais que le début des hausses de taux se rapproche concrètement.

La règle de Taylor et l'évolution récente des marchés

Témoignant de la sensibilité du sentiment des marchés aux anticipations des actions de la Fed, le récent rallye a commencé au moment où la règle de Taylor non lissée a atteint son sommet, en septembre 2023, c'est-à-dire lorsque la combinaison des taux d'inflation et de chômage s'est inversée.

D'un point de vue historique, la situation actuelle est unique, car les marchés ont réagi positivement aux perspectives de réduction des taux, qui devraient intervenir dans un contexte de croissance économique faible mais positive. Le pari audacieux du marché est que la Fed parviendra à faire atterrir l'économie en douceur tout en minimisant le risque d'attiser les pressions inflationnistes.

Ce contexte est très différent de celui des années 2001 et 2007, lorsque les marchés avaient interprété, à juste titre, que les banques centrales réagissaient à une récession économique potentielle.

L'un des principaux défis de la Fed réside dans sa capacité à trouver l’équilibre entre la maîtrise de l'inflation et le soutien à la croissance économique; le bilan historique à cet égard est plutôt défavorable. Notons également que réussir cet atterrissage en douceur sans ébranler les marchés est un important défi de communication, ce qui n'est pas une mince affaire compte tenu des récents faux pas du président Powell. Tout en gardant l'esprit ouvert, nous estimons que les chances de succès sont plutôt minces.

À quoi s’attendre en 2024?

Le gouverneur de la BdC, M. Macklem, a récemment déclaré que des baisses de taux pourraient être à prévoir en 2024, mais seulement après une baisse soutenue de l'inflation de base pendant plusieurs mois.

La Fed semble elle aussi privilégier une approche prudente. Powell et ses collègues ont souligné l'importance de maintenir une position tributaire des données en matière de politique monétaire, ce qui signifie que les baisses de taux dépendent des performances de l'économie en matière d'inflation et d'emploi.

Des baisses de taux sont-elles à prévoir en 2024? Bien sûr! La question n'est pas nécessairement de savoir quand, mais plutôt pourquoi. Si, comme nous l’anticipons, les banquiers centraux commencent à réduire agressivement les taux, il est très peu probable que ce soit parce que l'inflation s'est normalisée sans causer de dommages économiques importants. Et si nous nous trompons et qu’un parfait exemple d'atterrissage en douceur de l'économie américaine se produit en 2024, il est très peu probable que la Fed ressente le besoin de procéder à des baisses de taux agressives.

Les investisseurs doivent choisir leur camp et rester prudents face à des marchés qui reflètent un scénario parfait.

Conclusion

Actions

Comme nous l'avons souligné précédemment, la règle de Taylor suggère qu'il est temps pour les banques centrales d'assouplir leur politique monétaire, même si prévoir une action aussi rapide que celle reflétée dans les prix actuels du marché est probablement trop optimiste.

Une autre façon de considérer l’environnement macroéconomique actuel consiste à situer l'indice PMI mondial et l'inflation mondiale sur l'horloge d'investissement, en examinant la dynamique des z-scores sur 10 ans de chaque facteur. Comme l’illustre le graphique ci-dessous, il semble que les dommages économiques aient déjà été assez importants pour que les pressions inflationnistes soient derrière nous.

Bien que nous prévoyions que 2024 sera l'année des baisses de taux à l’échelle mondiale, nous pensons que l’évaluation des marchés est trop optimiste en ce qui a trait à la vitesse et au nombre de baisses.

Nous pensons qu'il est irréaliste de prévoir un atterrissage en douceur et quatre à six baisses de taux pour chacune des principales banques centrales l'année prochaine. Tant que les économies développées demeureront solides, les pressions inflationnistes sur les salaires continueront de préoccuper les banquiers centraux, et une normalisation rapide des politiques monétaires deviendra très improbable. En revanche, si les décalages longs et variables des effets liés aux politiques monétaires pèsent fortement sur les économies en 2024, comme nous le prévoyons, un scénario d'atterrissage en douceur deviendra très improbable et des baisses de taux additionnelles seront tout à fait envisageables.

Nous continuons à observer des signes de récession dans les données à l’échelle mondiale. En décembre, c'est surtout en Europe que le glissement est devenu plus apparent, l'Allemagne et la France ayant déçu une fois de plus, tant au niveau des données manufacturières que des services. Comme nous l'avons mentionné au cours des derniers mois, la toile de fond macroéconomique reste l'un des éléments les plus défavorables dans le cadre de notre stratégie d'allocation d'actifs. En cette fin d’année exceptionnelle, il appelle à la prudence à l'égard des actions. Le momentum des marchés, quant à lui, indique qu’il vaut mieux ne pas être trop pessimiste trop rapidement face aux actions.

Les investisseurs en actions s'accommodent de plus en plus d'un scénario d'atterrissage en douceur accompagné de plusieurs baisses de taux en 2024; le momentum des transactions a pris le dessus sur le comportement des investisseurs depuis octobre, ramenant les indices près de leurs sommets historiques. Les indices américains, le NASDAQ en tête, ont enregistré un quatrième trimestre exceptionnel et le momentum semble appelé à se poursuivre au début de 2024.

Conscients de cette tendance, nous avons éliminé notre souspondération dans les actions américaines au début de décembre. Comme cette sous-pondération s’établissait en faveur des matières premières, par le biais d'un investissement par paire (pair trade), notre changement de position a également entraîné l’élimination de la surpondération dans le pétrole.

À l’extérieur des États-Unis, nous constatons que les signaux de momentum à court terme se sont considérablement accentués à l’échelle mondiale; l’effet est toutefois plus modéré dans le cas du Nikkei. Bien que le momentum que nous observons dans la plupart des indices boursiers soit notable, nous restons prudents quant à sa soutenabilité, car le portrait à long terme reste quelque peu négatif, ce qui laisse croire que le momentum pourrait s'estomper rapidement.

Momentum pour certains indices boursiers

En ce qui concerne la valorisation, la forte performance du marché au cours des derniers mois continue de pousser la plupart des indices vers des niveaux plus chers.

Si les grandes capitalisations américaines affichent toujours les valorisations les plus élevées, nous constatons que les indices MSCI EAEO et Russell 2000 ne sont plus bon marché, se négociant près des valorisations médianes.

Il est intéressant de noter que le S&P/TSX semble légèrement moins cher que le mois dernier et demeure attrayant au début de 2024. Bien que les valorisations n'aient pas tendance à dicter les rendements à court terme, elles prennent de l'importance en période de turbulence, lorsque les actifs les plus chers font l'objet de prises de profits plus importantes.

Le sentiment des investisseurs à l'égard des actions s’est appuyé sur la perception récente d'un pivot de la Fed. Il est intéressant de noter que l'attrait récent des actions aux yeux des investisseurs provient surtout d'une baisse de la proportion d’investisseurs pessimistes, qui a récemment touché un creux datant de 2018.

L'un de nos autres indicateurs préférés, l’indice de sentiment des actions mondiales de J.P. Morgan, se situe également près des sommets historiques. La dernière fois que l'indice a atteint les niveaux les plus récents, c'était à la fin de l'année 2021, lorsque les conditions de liquidité mondiale ont conduit à ce qui s'est avéré être un sommet de valorisation des actions américaines. Quelques mois plus tard, le marché baissier de 2022 débutait.

Enfin, la mesure la plus impressionnante de l'optimisme des investisseurs est probablement l'indice VIX, qui est revenu à ses creux prépandémiques et qui flirte avec le niveau de 11.

Alors que notre lecture du mois dernier sur le sentiment à l’égard des actions laissait entrevoir une situation plus équilibrée, nous considérons que le comportement récent des investisseurs est typique d'un marché qui escompte la perfection. Il est généralement payant de suivre la vague dans ces manifestations intéressantes de la psychologie collective, mais cela renforce aussi notre position qui consiste à envisager 2024 en portant une attention importante aux valorisations.

Le prix réfère à ce que vous payez, et la valeur réfère à ce que vous obtenez. Nous prévoyons que les valorisations deviendront désormais le facteur dominant. En d'autres mots, être sélectif au début de l'année 2024 devrait être une stratégie gagnante.

Revenu fixe

La plupart des points soulevés dans la section précédente sur les actions s'appliquent également aux obligations souveraines : les marchés semblent tabler sur une certaine perfection en 2024, le momentum lié à des baisses de rendements obligataires a été extraordinaire et nous terminons l'année avec les conditions financières américaines les plus souples depuis le début de 2022 (n'oublions pas que depuis, la Fed s'est lancée dans l'un des cycles de resserrement monétaire les plus agressifs de l'histoire moderne).

Les rendements des obligations américaines de long terme ont accéléré leur déclin en décembre, grâce à des chiffres d'inflation plus favorables et, bien sûr, à l'absence de réaction du président de la Fed, M. Powell, à l'égard du fait que le marché escomptait des baisses agressives en 2024. Résultat : en moins de six semaines, les taux américains à 10 ans sont passés de 5 % à moins de 4 %, terminant l’année à ce niveau.

Il est intéressant de noter que notre ventilation du rendement des obligations américaines à 10 ans soutient notre thèse selon laquelle l'environnement macroéconomique s'est détérioré (alors que les prévisions de croissance pour 2023 ont été revues à la hausse tout au long de l'année, les taux à 10 ans ont envoyé des signaux contradictoires quant à la croissance réelle à venir). Nous prenons également note de la prime de risque, qui a baissé d'environ 80 points de base depuis le sommet d'octobre 2023, mais qui reste supérieure aux niveaux observés au cours de l'été, lorsque les coupures de taux de 2024 escomptées par le marché étaient similaires aux niveaux de la fin de l'année.

Cela suggère qu'une part importante de la récente baisse des rendements obligataires provient du recul des anticipations d'inflation, qui sont historiquement liées aux prix du pétrole. Compte tenu de la volatilité du contexte géopolitique et des efforts de l'OPEP+ pour pousser les prix mondiaux du pétrole à la hausse, le potentiel de volatilité et d'incertitude des taux d'intérêt en 2024 reste, selon nous, bien présent.

En ce qui concerne le momentum, l'évolution récente des prix a été très positive au cours des derniers mois, ce qui a profité à notre légère surpondération dans les obligations souveraines. Rester tactique et discipliné dans notre positionnement est essentiel. Compte tenu des rendements exceptionnels enregistrés depuis la mi-octobre et du fait que nous anticipons d’autres soubresauts, nous avons décidé de redevenir neutres face aux obligations souveraines.

Du point de vue de la valorisation, les obligations souveraines semblent moins attrayantes à la suite du récent rallye, bien qu’à court et long terme, la prime de risque des actions donne toujours l'avantage aux obligations américaines par rapport aux actions américaines.

En ce qui concerne les obligations de sociétés, les écarts des obligations de qualité investissement et à haut rendement ont continué de se resserrer rapidement en décembre. Ils sont revenus à leurs creux du début 2022, reflétant la conviction du marché que le scénario sans récession est le plus probable pour 2024.

Dans l'ensemble, nous estimons que les écarts des obligations de sociétés sont relativement serrés, étant donné que nous prévoyons une détérioration de l’économie en 2024. Ainsi, nous favorisions toujours une position nette légèrement sous-pondérée dans les obligations à haut rendement à la fin de l’année.

Enfin, en ce qui concerne le sentiment des investisseurs, nous constatons que l'indice MOVE représentant la volatilité implicite du marché obligataire continue de se démarquer et de suggérer une nervosité persistante sur le marché.

Bien que la nervosité ne soit pas étonnante compte tenu de la récente revalorisation drastique du marché obligataire, les enquêtes auprès des investisseurs continuent de montrer que les bons du Trésor américains restent une classe d'actifs privilégiée.

Dans l'ensemble, la récente revalorisation agressive des obligations souveraines de longue durée a probablement poussé les prix à des niveaux de surachat à court terme, entraînant des prises de profits opportunistes.

Enfin, compte tenu de notre vue sur la valorisation des écarts des obligations à haut rendement dans le contexte macroéconomique actuel, nous maintenons une souspondération dans les obligations à haut rendement de plus faible qualité.

Produits de base et devises

Malgré les efforts de l'OPEP+ pour soutenir les prix du pétrole, la production américaine de schiste a remonté ces derniers mois, faisant chuter le Brent près du niveau de 75 $ en décembre. Étonnamment, malgré les événements géopolitiques de 2023, le pétrole a enregistré une année négative.

Comme nous l'avons mentionné précédemment, nous avons maintenu une position longue/courte sur le pétrole par rapport aux actions américaines pendant une partie de l'année, prenant en compte divers scénarios de récession comme moteurs de surperformance relative de la matière première. Si cette thèse s'est avérée payante temporairement, les marchés ont changé d'avis sur la trajectoire de la Fed en 2024, ce qui a entraîné une forte hausse des actions et forcé la clôture de l’investissement par paire (pair trade). En fin d'année, nous sommes revenus à une position neutre sur le pétrole.

Notre analyse du momentum nous incite également à rester à l'écart du pétrole pour le moment, étant donné la forte détérioration de la composante à court terme.

En revanche, l'or et le cuivre continuent de s'améliorer.

Après nos commentaires des derniers mois sur l'or, nous avons finalement constaté une rupture des prix nous menant à initier une légère surpondération dans le métal jaune.

Le cours de l'or est resté quelque peu volatil en fin d'année, vulnérable aux sautes d'humeur liées à la politique de la Fed escomptée par les marchés. Si les taux réels américains et le billet vert maintiennent leur tendance baissière, nous entrevoyons un potentiel de hausse pour l'or. Notons que la surperformance de l'or par rapport à l'indice CRB global s’est maintenue au cours du mois dernier, ce qui indique un leadership persistant.

Du côté des devises, nous constatons que l'affaiblissement du dollar américain continue de jouer un rôle dominant sur le marché.

Quant au dollar canadien, le momentum à court terme est resté négatif en décembre, tout comme pour l'euro. Nous demeurons convaincus que le huard pourrait connaître une bonne année en 2024, lorsque l'économie mondiale trouvera enfin ses marques et qu'un nouveau cycle économique s'installera. Pour l'instant, compte tenu du contexte macroéconomique qui laisse présager une récession de l'économie canadienne et étant donné l'absence d'orientation claire sur l'évolution du cours du huard, nous conservons une position neutre.

Sébastien Mc Mahon

Vice-président, allocation d'actifs, stratège en chef, économiste sénior et gestionnaire de portefeuilles

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