Macro & Stratégie - Juin 2025
3 juin 2025
Commentaires mensuelsUne lune de miel pour les marchés
Le ton des manchettes s’est amélioré en mai, du moins du point de vue des marchés, alors que le nuage d’incertitude soulevé par le « Jour de la libération » du 2 avril commençait à se dissiper. Avec une touche typiquement trumpienne, la suite des événements a été presque théâtrale : une forte hausse de la volatilité, une publication précipitée sur les réseaux sociaux déclarant qu’il s’agissait d’un « moment idéal pour acheter », puis l’annonce inattendue d’une suspension de 90 jours de certaines des mesures tarifaires les plus sévères proposées depuis plus d’un siècle.
Les marchés ont fortement rebondi après ce tweet du 9 avril, non pas en raison d’une amélioration fondamentale des conditions, mais parce que les attentes étaient si basses qu’un scénario simplement « moins catastrophique » a suffi à déclencher un rallye. Les investisseurs, toujours tournés vers le futur et très sensibles à la seconde dérivée de l’actualité, ont interprété l’absence d’escalade comme une désescalade en soi. Le scénario pessimiste qui avait été escompté par le marché en avril s’est lentement dissipé, une nouvelle à la fois.
À mesure que l’administration Trump présentait les grandes lignes de nouveaux accords commerciaux, d’abord avec le Royaume-Uni, puis avec la Chine, le ton est devenu plus optimiste, mais prudent. Comme on pouvait s’y attendre, le discours reprenait le scénario de Trump 1.0 : briser l’ordre établi, provoquer le chaos, rejeter la faute sur l’autre, puis crier victoire dès qu’un semblant de stabilité est rétabli. À cet égard, les dernières semaines ont suivi un scénario familier. Mais la question demeure : tout est-il vraiment rentré dans l’ordre, ou les investisseurs sont-ils simplement soulagés d’avoir évité le pire scénario — pour le moment ?
Pendant ce temps, comme on ne s’ennuie jamais avec Trump, le mois dernier a mis en évidence le nœud gordien qui lie Trump et les républicains du Congrès. Son programme repose sur trois piliers fragiles : une renégociation agressive des accords commerciaux, des réductions d’impôts massives et des promesses de discipline budgétaire. Or, ces trois piliers sont de plus en plus incompatibles.
Faits saillants
- Le climat de marché s’est apaisé en mai, mais les risques structurels (inflation, dette, politique budgétaire) persistent.
- Notre scénario de base prévoit une stagnation économique aux États-Unis avec une pause de la Fed jusqu’en 2026.
- Nous sous-pondérons les actions américaines au profit des marchés internationaux, tout en restant prudents sur les obligations.
Sans incitatifs fiscaux ni déréglementation, les entreprises ont peu de raisons d’investir ou de réorganiser leurs chaînes d’approvisionnement en réponse aux tarifs douaniers. Sans allégements fiscaux, les consommateurs pourraient se retrouver coincés entre la hausse des prix et le resserrement des conditions de crédit. Et si les dépenses ne sont pas réduites ailleurs, la situation budgétaire pourrait se détériorer assez rapidement pour annuler les gains perçus grâce aux tarifs douaniers ou à la relocalisation.
Enfin, comme si le mois n’avait pas déjà été assez mouvementé, un panel de juges de la Cour du commerce international des États-Unis a temporairement suspendu les tarifs généralisés imposés à pratiquement tous les partenaires commerciaux américains, le « Jour de la libération » le mois dernier, ouvrant la voie à une possible bataille juridique. L’administration a rapidement précisé qu’elle disposait de plusieurs options pour maintenir les tarifs, ce qui pourrait mener à une situation encore plus chaotique.
Bref, le mois de mai a été marqué par des annonces qui ont été bien accueillies par les marchés, mais celles-ci consistaient essentiellement à faire marche arrière sur les mesures chaotiques adoptées en avril. Bien que la pilule commerciale ait été enrobée de miel, il faudra quand même l’avaler, et les effets à long terme sur la croissance, l’inflation et la confiance commencent seulement à se faire sentir.
Guerre commerciale : ce que le mois de mai nous a appris sur Trump 2.0.
Même si les tensions commerciales se sont considérablement apaisées en mai, interpréter les récents développements comme un retour à la normalité qui prévalait avant avril serait une erreur. Nous semblons plutôt entrer dans une nouvelle phase, où les tensions commerciales restent vives, mais avec un ton et des priorités stratégiques différents.
La première manchette importante a été l’annonce d’un accord bilatéral avec le Royaume-Uni. Bien que cet accord soit relativement mineur d’un point de vue macroéconomique (le Royaume-Uni demeure un partenaire commercial modeste pour les États-Unis et l’un des rares partenaires avec lesquels ceux-ci affichent un excédent), il a fourni de précieux indices sur la posture de négociation de l’administration Trump.
Nous avons appris qu’un tarif douanier général de 10 % est maintenant le nouveau seuil minimal pour les pays qui ne sont pas intégrés dans la chaîne de production nord-américaine. Bien que ce chiffre ait été évoqué pendant la campagne électorale de 2024, il est désormais testé en temps réel.
Nous avons également appris que les droits de douane sectoriels demeurent négociables. Le Royaume-Uni a obtenu une exemption sur l’aluminium et l’acier en échange de concessions sur l’éthanol et le bœuf, établissant ainsi un modèle clair pour les accords futurs.
Toutefois, le virage stratégique de l’administration Trump vers le bilatéralisme a été encore plus révélateur. L’invitation directe adressée à l’Allemagne, sans passer par l’Union européenne, marque un changement tactique majeur. Les négociations bilatérales renforcent le pouvoir de négociation des États-Unis et offrent à l’administration des victoires politiques plus visibles. Il n’est donc pas surprenant que l’Allemagne ait renvoyé la balle à Bruxelles. Mais cela soulève également des questions quant à l’intégrité des accords multilatéraux existants.
Si le bilatéralisme devient la stratégie dominante, les implications pour la renégociation de l’ACEUM pourraient être importantes. Assistons-nous au retour d’un cadre commercial entre le Canada et les États-Unis qui rappelle celui d’avant 1994 ? Les prochains mois nous diront s’il s’agit d’un écart tactique ou d’une réorientation structurelle.
La détente avec la Chine a suivi peu après. À la mi-mai, les deux pays ont fait marche arrière sur ce qui était devenu un embargo mutuel de facto. Les droits de douane, qui avaient atteint des taux effectifs de 145 % sur les importations américaines et de 125 % sur les exportations chinoises, ont soudainement été ramenés à 30 % et 10 % respectivement. Ces taux restent élevés par rapport à leurs niveaux historiques, mais par rapport au sommet atteint en avril, ils ont été accueillis avec beaucoup de soulagement par les marchés.
Cela dit, même sous leur forme révisée, ces niveaux tarifaires demeurent importants. Si les taux actuels persistent, nous nous dirigerons vers un régime tarifaire moyen de 10 % à 15 % pour les principaux partenaires, la Chine étant clairement visée. Il y a quelques semaines à peine, un tel scénario aurait été considéré comme pessimiste. Mais aujourd’hui, le marché l’interprète comme favorable, ce qui témoigne de l’ampleur du revirement de sentiment.
Ce décalage entre l’optimisme du marché et la réalité des prix intégrés dans le système commercial mondial mérite une attention particulière. Les conséquences sur l’inflation et la croissance d’un tel changement structurel du commerce mondial ne sont pas encore perceptibles dans les données macroéconomiques réelles. Ce qui ne les empêchera pas pour autant de se matérialiser.
De la guerre tarifaire aux préoccupations budgétaires
Alors même que le brouillard lié à l’escalade tarifaire commençait à se dissiper, un nouveau nuage est apparu : l’inquiétude croissante concernant la politique budgétaire américaine. Nous avons assisté à une transition rapide en mai, les investisseurs ayant réorienté leur attention depuis les perturbations commerciales vers les bilans souverains.
Moody’s a donné le coup d’envoi en abaissant la cote de crédit des États-Unis de Aaa à Aa1 le 17 mai. Bien que symbolique, cette décision a fait écho aux avertissements lancés par S&P en 2011 et par Fitch en 2023. Les raisons étaient claires : déficits budgétaires insoutenables, augmentation des paiements d’intérêts et insuffisance de réformes crédibles.
Ces avertissements ont été amplifiés par l’avancement législatif du mégaprojet de loi budgétaire américain, qui élargit et prolonge les réductions d’impôts de 2017. Selon les estimations du Bureau du budget du Congrès américain, ce projet de loi pourrait ajouter près de 4 000 milliards de dollars à la dette nationale au cours de la prochaine décennie. Les marchés en ont pris bonne note. Le taux des obligations du Trésor à 30 ans a bondi au-dessus de 5,1 %, son plus haut niveau depuis près de 20 ans, reflétant à la fois les inquiétudes liées à l’offre et les craintes inflationnistes.
Le moment n’aurait pas pu être pire. L’économie américaine est déjà confrontée au ralentissement de la croissance dû à la hausse des droits de douane. Aujourd’hui, les mesures de relance attendues des réductions d’impôts risquent plutôt de déclencher des turbulences sur les marchés obligataires, entraînant une hausse des coûts d’emprunt pour les ménages, les entreprises et le gouvernement. Cette situation engendre un cercle vicieux : l’expansion budgétaire pourrait évincer l’investissement privé, tandis que la politique monétaire demeure contrainte par la dynamique inflationniste.
Le chef de la direction de JP Morgan, Jamie Dimon, ainsi que d’autres, ont signalé les risques croissants d’une stagflation, notamment une croissance lente, une inflation persistante et une détérioration de la confiance. En effet, le mois de mai a donné un aperçu d’un tel scénario : faible confiance des consommateurs, indices PMI instables, faiblesse des investissements des entreprises et enchères obligataires à des taux élevés. À la mi-mai, les enchères d’obligations du Trésor à 20 ans ont dû offrir un taux supérieur à 5,04 % pour attirer les acheteurs, signe que la demande pour la dette américaine pourrait être en train de s’affaiblir.
Aucune donnée n’est alarmante en soi. Mais dans l’ensemble, le message est clair : le marché obligataire est sur le qui-vive.
Alors que les paiements d’intérêts approchent les 1 000 milliards de dollars par an et que les dépenses déficitaires reviennent au premier plan, la marge de manœuvre budgétaire diminue rapidement. À moins qu’une stratégie crédible d’assainissement budgétaire ne soit mise en place, les États-Unis risquent d’entrer dans un cycle d’augmentation de la dette, de hausse des taux et de réduction de la flexibilité de leur politique. Bref, nous pourrions passer d’une crise macroéconomique à une autre, ou pire, être confrontés aux deux simultanément.
Signaux macroéconomiques : une menace retardée, mais imminente
Malgré ces pressions croissantes, l’inflation globale n’a pas encore accéléré de manière significative. Mais cela pourrait ne pas durer. Plusieurs enquêtes auprès des entreprises suggèrent que des hausses de prix sont envisagées, et des sociétés comme Walmart ont clairement indiqué qu’elles augmenteraient les prix de certains produits « dans les semaines à venir ». L’idée selon laquelle les détaillants américains ou les exportateurs chinois absorberaient entièrement le coût des tarifs douaniers, protégeant ainsi les consommateurs, a toujours été optimiste. Les marges de profit sont désormais sous pression et les répercussions sur les prix semblent imminentes.
La divergence entre les données subjectives et objectives s’ajoute aux complications. Les indicateurs de sentiment — confiance des consommateurs, optimisme des petites entreprises et nouvelles commandes dans le secteur manufacturier — se sont affaiblis. Pourtant, les données objectives, notamment les salaires et les revenus des particuliers, demeurent solides. Ce décalage n’est pas inhabituel à l’approche d’un tournant. Historiquement, les données subjectives se détériorent en premier, suivies par les données du marché du travail, puis par les chiffres des dépenses et de la production.
Une exception à cette tendance s’est produite en 2022 et 2023, lorsque les indicateurs subjectifs ont clignoté au rouge, mais que l’économie américaine est demeurée résiliente. Cela dit, le cycle actuel pourrait être différent. Les chocs de prix liés aux droits de douane, le chaos fiscal et la paralysie politique pourraient converger pour créer un ralentissement plus soutenu.
Nous continuons de tabler sur un affaiblissement de l’économie américaine au cours des prochains trimestres. L’impact de la hausse des coûts des intrants, des conditions de crédit restrictives et de l’incertitude politique freinera probablement l’investissement et la consommation. Le ralentissement de la demande américaine et la baisse de confiance envers la politique macroéconomique des États-Unis seront défavorables à l’échelle mondiale, en particulier pour les économies axées sur le commerce.
Les baisses de marché en contexte : celle-ci est elle différente?
Le rebond des marchés boursiers depuis le début du mois d’avril est impressionnant. Mais l’histoire nous invite à la prudence. Entre le 19 février et le 9 avril, le S&P 500 a chuté de 18 %, frôlant ainsi le seuil de 20 % qui marque le début d’un marché baissier. Cette correction était liée à des événements spécifiques, à savoir un choc politique et un bouleversement du sentiment, plutôt qu’à des déséquilibres structurels ou cycliques.
Nous avons passé en revue les 21 principales baisses du marché américain depuis la Grande Dépression et les avons classées dans les catégories suivantes :
- structurelles (crises financières et bulles);
- cycliques (ralentissements économiques); ou
- axées sur les événement (guerres, pandémies, chocs politiques).
L’épisode de cette année correspond davantage à une correction axée sur un événement. La forte hausse de la prime de risque aux États-Unis s’est largement inversée à mesure que les menaces politiques s’estompaient. Toutefois, le rebond demeure fragile et les risques macroéconomiques persistent.
Si le choc tarifaire s’avère être le point de bascule vers une récession, l’histoire nous enseigne que les replis pourraient s’accentuer et se prolonger. Les marchés ont tendance à se redresser rapidement après des récessions légères et des corrections hors récession. Mais lorsque la détérioration économique est grave, les marchés éprouvent souvent des difficultés pendant de longues périodes. Le passage à un modèle économique structurellement différent, moins dépendant de la consommation, de la dette et des capitaux étrangers, impliquerait un processus d’ajustement plus douloureux. La situation actuelle pourrait encore évoluer vers une tendance plus persistante si l’administration Trump reprend son approche intransigeante ou si l’incohérence politique persiste, mais nous demeurons ouverts à l’idée d’un scénario plus favorable aux marchés.
Grille de scénarios : cartographier les trajectoires possibles
Nous avons esquissé trois scénarios en avril dernier. Depuis, le chemin s’est rétréci et le scénario baissier a gagné en crédibilité. La situation demeure incertaine et il est difficile d’évaluer les probabilités compte tenu de l’imprévisibilité des décisions politiques sous l’administration Trump. Il convient néanmoins de rappeler nos scénarios pour les prochains trimestres en tenant compte du contexte actuel :
Conclusion : on a doré la pilule, mais l’amertume demeure
Le changement de cap opéré en mai par l’administration Trump, qui est passée d’une politique tarifaire maximaliste à une stratégie ambiguë, a suffi à soutenir les marchés et à les faire rebondir après leur creux d’avril. Mais les fondamentaux politiques demeurent problématiques.
Le régime commercial est structurellement plus restrictif qu’au premier trimestre. La politique budgétaire devient une source d’inquiétude plutôt qu’un facteur de relance. Et la Fed, contrainte par le double risque d’inflation et de stagnation, se retrouve sur la touche.
L’enrobage doré des récentes manchettes ne peut masquer les tendances sous-jacentes moins réjouissantes que sont l’inflation, l’endettement et la fragilité des politiques. Le risque ne réside pas dans un choc unique, mais dans des pressions cumulatives qui pourraient transformer ce cycle de correction brutale en un dénouement structurel.
Les marchés voudraient croire que le pire est derrière nous. Mais l’histoire nous enseigne que les rebonds sans résolution durable sont rares. Pour les investisseurs, l’heure est à la vigilance, et non à la complaisance.
Positionnement
Comme nous l’avons mentionné le mois dernier, bien que nous reconnaissions depuis longtemps la solidité et la résilience des marchés boursiers américains, nous pensons désormais que l’équilibre entre les risques et les occasions favorise une approche plus globale. Nous avons donc décidé de sous-pondérer les actions américaines et d’augmenter notre exposition aux marchés internationaux.
Ce changement s’explique par plusieurs facteurs convergents. Premièrement, nous observons des signes de réallocation des capitaux hors des États-Unis, une tendance qui semble s’accentuer à mesure que les investisseurs recherchent la diversification et des valorisations plus attrayantes à l’étranger.
Deuxièmement, les marchés non américains, en particulier en Europe et dans certaines régions d’Asie, bénéficient d’une amélioration de la dynamique de croissance, soutenue par une combinaison de mesures de relance budgétaire, d’un rebond de l’activité manufacturière et d’un environnement politique plus souple.
Troisièmement, les valorisations jouent également un rôle clé dans notre réflexion. Alors que les actions américaines continuent d’afficher une prime, il devient de plus en plus difficile d’ignorer l’escompte relatif des actions internationales, d’autant plus que le contexte macroéconomique s’améliore à l’étranger et que les capitaux sont rapatriés des États-Unis. Nous sommes conscients que les écarts de valorisation ne constituent pas à eux seuls des catalyseurs suffisants, mais, dans le cas présent, ils s’accompagnent désormais d’un scénario de croissance plus constructif et d’un potentiel d’apaisement des tensions géopolitiques.
Nous continuons de suivre de près l’évolution de la situation et demeurons flexibles dans notre positionnement. Cependant, nous pensons que l’environnement actuel justifie une allocation en actions plus équilibrée et plus diversifiée à l’échelle mondiale, avec une pondération moindre dans les valeurs américaines et un regain d’intérêt pour les occasions à l’extérieur de l’Amérique du Nord.
Nous demeurons sous-pondérés dans les titres à revenu fixe, car le contexte macroéconomique et politique continue d’exercer des pressions à la hausse sur les rendements, en particulier à long terme. Bien que les obligations continuent d’offrir des avantages de diversification et une couverture potentielle contre la volatilité des actions, nous estimons que leur profil risque-rendement demeure difficile dans le contexte actuel.
La dynamique budgétaire aux États-Unis est une préoccupation majeure. Avec un déficit budgétaire qui devrait dépasser 6 % du PIB cette année et se creuser davantage en 2026, l’offre de dette publique demeurera élevée. Ces émissions répétées, combinées à des réductions de dépenses qui ne compensent que partiellement, devraient maintenir la pression sur les primes de terme, remettant en question l’idée d’un rallye durable des obligations. La demande structurelle de capitaux, alimentée par les besoins de financement des gouvernements et des entreprises, continue d’augmenter, ce qui renforce la tendance haussière des taux.
Parallèlement, les banques centrales ne semblent pas pressées d’assouplir leur politique monétaire de manière agressive. Malgré l’affaiblissement des indicateurs de confiance, les données quantitatives, notamment sur les marchés du travail et les dépenses de consommation, demeurent résilientes.
Cette divergence entre les données qualitatives et quantitatives (soft data et hard data) a incité les décideurs politiques à la prudence, la Réserve fédérale et d’autres banques centrales préférant attendre des signes plus clairs de détérioration économique avant de s’engager dans une posture d’assouplissement monétaire. Ainsi, le marché pourrait être à nouveau déçu en matière de baisses de taux à court terme. Dans ce contexte, nous préférons maintenir une souspondération en durée et conserver une certaine flexibilité dans notre exposition aux obligations.
Nous continuons de surveiller l’évolution de la situation, en particulier en ce qui concerne la politique budgétaire, la dynamique de l’inflation et la communication des banques centrales. Advenant un changement drastique des données ou un resserrement brusque des conditions financières, nous serons prêts à réévaluer notre positionnement.
Du côté des devises, nous continuons de surpondérer le yen japonais, que nous considérons comme l’une des occasions les plus intéressantes actuellement. Plusieurs facteurs structurels et cycliques convergent en faveur du yen. Premièrement, la probabilité d’un rapatriement des actifs étrangers par les investisseurs japonais augmente. Comme ces derniers détiennent massivement des actifs en dollars américains et puisque leur détention de placements étrangers représentant désormais une part importante de leurs portefeuilles, même un léger changement dans leurs préférences d’allocation pourrait avoir un impact significatif sur les flux de devises. Deuxièmement, la partie longue de la courbe des taux japonais s’est fortement accentuée, sous l’effet des anticipations d’une poursuite de la normalisation monétaire par la Banque du Japon dans un contexte d’inflation et de hausse des salaires soutenues.
Ce contexte a rendu les actifs japonais plus attrayants sur une base relative, d’autant plus que l’attrait des titres à revenu fixe américains diminue en raison des risques budgétaires croissants et de l’affaiblissement du dollar. La combinaison de taux locaux plus élevés et d’un appétit réduit pour les achats d’obligations étrangères non couvertes devrait soutenir la tendance à l’appréciation du yen. De plus, la devise japonaise conserve ses caractéristiques de valeur refuge, en particulier dans un contexte d’incertitude élevée.
Nous surpondérons également le dollar canadien. Bien que l’imposition de tarifs douaniers par les États-Unis ait suscité des inquiétudes, nous pensons que le consensus pourrait surestimer l’impact potentiel sur la croissance canadienne. Les fondamentaux macroéconomiques du Canada se sont affaiblis, mais pas de manière spectaculaire; la devise pourrait bénéficier de toute surprise positive dans les données canadiennes ou de signes indiquant que l’impact des tarifs douaniers est moins grave que prévu. Dans ce contexte, le dollar canadien offre à la fois un potentiel de hausse cyclique et une certaine protection contre une faiblesse plus généralisée du dollar américain.