Macro & Stratégie - Juin 2024

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Le rallye boursier se généralise

Nous approchons de la mi année et, jusqu’à présent, les marchés boursiers ont été généreux envers les investisseurs En fait, les dernières enquêtes auprès des gestionnaires de fonds montrent que les investisseurs institutionnels n’ont jamais été aussi optimistes depuis novembre 2021 une période où les marchés étaient en hausse constante et où les banques centrales maintenaient encore leurs taux directeurs à la limite inférieure de zéro.

Aujourd’hui, malgré la politique monétaire la plus restrictive des dernières décennies, les craintes persistantes d’un atterrissage brutal et d’importants bouleversements géopolitiques dans le monde, les plus importantes surpondérations des investisseurs mondiaux se trouvent du côté des actions et des matières premières Si la confiance des consommateurs est demeurée timide ces derniers temps, les données économiques concrètes demeurent robustes, ce qui incite les investisseurs à faire abstraction de cette « vibecession ».

Notre positionnement a également favorisé les actions et les matières premières en 2024 et nous pensons que la prise de risque devrait être récompensée au cours des prochains mois Ce mois ci, nous discutons des occasions qui émergent en dehors du puissant marché américain.

État des lieux des marchés boursiers

En début d’année, les discussions sur l’IA, NVIDIA et les autres géants de la technologie ont dominé Étonnamment, ce sont le Japon et l’Europe qui ont enregistré les meilleurs rendements boursiers depuis le début de l’année Même le Canada a suivi le rythme.

Comme le montre le graphique ci dessous, le momentum de leadership sur trois mois 63 séances boursières) a déjà connu quelques changements en 2024 Alimenté par la technologie, le marché boursier américain avait pris les devants en février, cédant ensuite la place au Japon, où les réformes structurelles favorables aux investisseurs et les signaux de reflation ont fait du Nikkei l’un des indices boursiers les plus performants, à l’instar du Nasdaq En fait, nous avons récemment ajouté une surpondération tactique dans le marché japonais à la suite d’un repli nous pensons que la tendance positive devrait se poursuivre au cours des prochains trimestres.

Il est intéressant de noter que lorsque les actions japonaises ont commencé à être mûres pour une phase de consolidation, c’est le Canada et l’Europe qui ont repris les pole positions des marchés boursiers.

La plupart des grands marchés boursiers développés participent à ce rallye, ce qui se traduit par un rebond plus généralisé des actions, qui ne se limite plus seulement aux États Unis.

Comme nous l’avons mentionné au cours des mois précédents, cette évolution s’explique en grande partie par le redressement et l’élargissement du cycle manufacturier mondial.

De plus en plus de pays voient leurs indices PMI manufacturiers dépasser le seuil de 50 les pays émergents en tête En bref, l’environnement macroéconomique est récemment devenu plus favorable aux valeurs cycliques et les investisseurs en ont davantage pour leur argent à l’extérieur des États Unis Cette évolution est bénéfique dans la mesure où les secteurs cycliques et d’autres indices axés sur la valeur attirent enfin l’attention des investisseurs, après avoir été délaissés pendant une bonne partie des dernières années.

Si l’on examine de plus près les valorisations boursières, on constate que les ratios cours/bénéfices prévus ont augmenté de manière synchronisée depuis le début de l’année, proportionnellement plus au Canada et en Europe où les secteurs cycliques ont plus de poids L’escompte par rapport au marché américain reste une caractéristique importante, comme il l’a été au cours des dix dernières années, puisque c’est surtout aux États Unis que résident les grandes entreprises technologiques.

Les prévisions de bénéfices pour tous les marchés présentés ci dessous ont également été revues à la hausse au cours de l’année La tendance est plus forte aux États Unis ( centres de données, scénario sans atterrissage, etc mais elle est haussière dans toutes les régions.

Alors que les prévisions de croissance des bénéfices aux États Unis restent élevées, nous croyons que les marchés anticipent un scénario qui frôle la perfection L’exceptionnalisme américain a été un thème dominant de l’ère COVID, et parier contre lui depuis le marché baissier de 2022 a été une stratégie perdante À la lumière des valorisations et des bénéfices attendus dans les différentes régions, nous observons un potentiel de multiples plus élevés et de révisions positives des bénéfices en dehors des États Unis, alors que la réaccélération de l’industrie manufacturière se poursuit.

La répartition sectorielle du Canada et de l’Europe redevient elle enfin favorable ?

L’une de nos vues macroéconomiques est que les matières premières entrent dans un nouveau marché haussier, poussé par le cuivre, qui joue un rôle clé dans l’électrification des transports et le thème des centres de données d’IA Si nous avons raison sur ce point et que l’accélération du cycle manufacturier persiste, les marchés pourraient être soutenus par plusieurs thèmes dominants.

Depuis plus de dix ans, l’un des désavantages propres à plusieurs indices mondiaux qui excluent les États Unis a été leur faible exposition au secteur de la technologie et leur pondération dans des industries plus cycliques Une politique monétaire graduellement moins restrictive, combinée à la résurgence de l’industrie manufacturière, devrait maintenant alimenter la demande pour les actions canadiennes et européennes Les perspectives de baisse des taux d’intérêt pourraient inciter les entreprises à accroître leurs investissements dans des projets à forte intensité de capital, et la demande accrue de matières premières et de produits manufacturés devrait profiter aux indices plus cycliques.

La Chine pourrait également jouer un rôle à cet égard Les données non officielles, telles que la consommation d’électricité et la pollution de l’air, indiquent un net rebond de l’activité manufacturière dans l’empire du Milieu, et la dernière enquête allemande Zew fait état d’une accélération de la demande chinoise au cours des derniers mois Un autre thème qui retient l’attention est que la Chine stocke des matières premières comme le cuivre et le minerai de fer afin de réduire sa dépendance envers les actifs étrangers, se tournant plutôt vers les ressources naturelles en tant que réserve de valeur à l’échelle mondiale.

Dans ce contexte, la composition sectorielle des indices boursiers non américains pourrait redevenir un vent de dos Le tableau ci dessous montre le poids des secteurs cycliques (consommation discrétionnaire, énergie, finance, industrie et matériaux) dans les indices canadiens et européens par rapport aux États Unis, où les secteurs non cycliques ont tendance à dominer L’indice S&P/TSX est composé à 79 2 de valeurs cycliques non technologiques, suivi de l’indice Euro Stoxx 50 65 3 C’est pratique l’inverse pour les indices américains, où les valeurs technologiques et non cycliques tendent à dominer.

Dans un contexte où le monde sera de plus en plus dominé par les géants technologiques et l’IA, nous ne recommandons pas de défier le marché boursier américain Toutefois, nous pensons que les vents macroéconomiques favorables qui ont commencé à souffler à l’échelle mondiale au cours des derniers trimestres continueront de soutenir les marchés à forte composante cyclique.

Dans l’ensemble, l’environnement macroéconomique devient favorable aux valeurs cycliques et les investisseurs cherchent désormais des opportunités à l’extérieur du marché américain, alors que la réaccélération du secteur manufacturier, les baisses de taux, le stockage de matières premières et la généralisation de la croissance économique deviennent des thèmes dominants.

Les marchés boursiers sont plus forts lorsque leur rebond est synchronisé Après avoir représenté une faiblesse pendant plus d’une décennie, l’orientation cyclique des indices boursiers canadiens et européens pourrait redevenir un atout.

Point de vue actuel

Dans l’ensemble, notre positionnement a peu changé par rapport au mois dernier Nous demeurons modérément optimistes quant aux perspectives boursières Même si nous reconnaissons que les actions ont enregistré des gains importants depuis 2023 l’environnement reste favorable à cette classe d’actifs La majorité des résultats du premier trimestre ont été publiés et il est évident que la croissance des bénéfices est demeurée robuste, tout comme les prévisions des entreprises Les plus grandes sociétés américaines, et celles qui ont le plus contribué à la hausse des indices boursiers ont continué à afficher de solides résultats et à prendre des mesures favorables aux actionnaires, telles que l’augmentation des programmes de rachat d’actions et des dividendes.

Compte tenu de l’expansion de la croissance économique décrite ci dessus, nous commençons aussi à observer une amélioration des rendements à l’extérieur des États Unis, dont les performances boursières avaient dominé ces derniers temps Les actions européennes, canadiennes et même chinoises se réveillent d’un long sommeil, les marchés commençant à anticiper une meilleure croissance pour ces régions Nous pensons qu’il y a encore de la place pour une amélioration et, par conséquent, nous restons optimistes à l’égard des actions.

Nous avons maintenu une position dans les actions japonaises nous croyons que celles ci devraient continuer à bénéficier de la politique monétaire relativement accommodante de la Banque du Japon et des bénéfices positifs des entreprises japonaises Il est intéressant de noter que le Japon semble avoir disparu du radar de la plupart des investisseurs, le consensus n’y prêtant plus vraiment attention Nous continuons de penser qu’il s’agit de l’une des histoires les plus intéressantes du marché boursier.

Le mois dernier, nous avons introduit une position dans le secteur américain des services aux collectivités Lorsque les taux d’intérêt atteignent un sommet, les titres défensifs qui versent des dividendes, comme ceux des services aux collectivités, sont généralement avantagés En outre, plusieurs sociétés de services aux collectivités commencent à profiter de la demande insatiable d’électricité découlant des investissements dans les centres de données, de l’électrification du réseau énergétique, de la décarbonisation et de la demande d’électricité associée à l’IA Nous pensons que cet environnement est favorable au secteur.

En ce qui concerne les titres à revenu fixe, bien que nous soyons fermement convaincus que la Banque du Canada réduira bientôt ses taux, nous pensons que la Fed restera un peu plus prudente en matière d’assouplissement monétaire Bien que Jerome Powell ait supprimé la partie de droite de la distribution des probabilités de taux d’intérêt dans ses récentes communications, en plaçant la barre très haute pour de nouvelles augmentations de taux, il a également suggéré qu’il faudrait davantage de preuves de désinflation avant que la Fed puisse résolument entamer une baisse des taux Nous sommes généralement d’accord avec cette évaluation et pensons que la Fed risque de décevoir les marchés en ne procédant pas à autant de réductions que prévu ou souhaité Dans ce contexte, et compte tenu de l’inversion de la courbe des taux qui persiste, notre opinion sur les titres à revenu fixe est légèrement négative.

Enfin, nous maintenons nos positions dans l’or et le cuivre Bien que ces deux métaux aient connu de fortes fluctuations ces derniers temps, les investisseurs semblent être davantage positionnés pour une hausse, et nous continuons de penser que ces deux matières premières bénéficient de tendances haussières séculaires L’or profite d’un sommet potentiel des taux d’intérêt réels ainsi que des achats des banques centrales qui cherchent à diversifier leur bilan Nous pensons que ce contexte se maintiendra à moyen terme En même temps, l’équilibre entre l’offre et la demande de cuivre reste très tendu, surtout que la croissance de l’économie chinoise semble avoir atteint un creux.

Sébastien Mc Mahon

Vice-président, allocation d'actifs, stratège en chef, économiste sénior et gestionnaire de portefeuilles

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