westRetour

Macro & Stratégie - Novembre 2023

Commentaires mensuels
Lire l'article complet (PDF)open_in_new

Voyage (Inflationniste) dans le Temps : De l'Effervescence des Années 40 à la Fièvre des Années 70 et au-delà

Le paysage économique évolue au fil du temps, influencé par divers facteurs qui façonnent également le cours de l’histoire et des marchés financiers. C’est donc dire qu’à travers les époques, les environnements inflationnistes ont été marqués par des caractéristiques et des facteurs d’influence distincts, ce qui nous permet de tirer de précieuses leçons et de les appliquer au contexte actuel.

Dans l’édition de ce mois-ci, nous vous proposons un voyage à travers les épisodes d’inflation des années 1940, des années 1970 et d’aujourd’hui, au cours duquel nous verrons l’évolution des chocs exogènes, de l’inflation des biens et services et de la dynamique des salaires dans l’économie américaine. Même si l’analyse porte principalement sur la situation aux États-Unis, ses conclusions s’appliquent à d’autres marchés développés, comme le Canada. En les examinant attentivement, nous pourrons mieux comprendre les tendances économiques et naviguer dans un monde financier en pleine mutation qui définit notre réalité contemporaine.

Chocs exogènes : comparaison entre les décennies 1940, 1970 et aujourd’hui

L’inflation des décennies 1940 et 1970 découlait principalement de chocs exogènes aussi uniques qu’importants. En revanche, les pressions inflationnistes d’aujourd’hui sont plus complexes, puisqu’elles résultent de différents facteurs.

Dans les années 1940, le principal catalyseur de l’inflation était la Seconde Guerre mondiale. En effet, le conflit a exercé une forte pression sur les chaînes d’approvisionnement mondiales par une augmentation massive de la demande de matières premières, de main-d’œuvre et d’équipement.

De plus, les autorités ont mis en œuvre des mesures de contrôle des prix et de rationnement, qui n’aidaient en rien à la pénurie d’approvisionnement et à la flambée des prix. Après la guerre, la demande refoulée des consommateurs et les hausses de salaire sont venues alimenter les pressions inflationnistes. Bref, les chocs exogènes de cette période étaient dus à l’économie de guerre.

Les années 1970 étaient le théâtre d’un autre choc exogène important : l’embargo pétrolier de l’OPEP. Les prix du pétrole avaient alors quadruplé – pratiquement du jour au lendemain – et s’étaient fait sentir sur toute l’économie mondiale, notamment dans les marchés développés qui dépendent des importations de pétrole. Les entreprises ont dû composer avec une augmentation des coûts de production, qu’elles ont répercutée sur les consommateurs. Pire encore, la hausse des prix a provoqué une course avec les salaires. En d’autres termes, pour faire face à un coût de la vie croissant, les travailleurs exigeaient des augmentations de salaire, ce qui a exacerbé l’inflation.

Pour sa part, l’environnement inflationniste actuel n’est pas attribuable à un seul choc exogène puissant. Au contraire, il est dû à divers facteurs, tels que les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales dans la foulée de la pandémie de COVID-19, les mesures de relance budgétaire et une reprise économique inégale. Ensemble, ces pressions sur l’offre et la demande ont créé un paysage inflationniste complexe, où une foule d’éléments interagissent et s’influencent mutuellement.

Inflation des biens et services : comparaison entre les décennies 1940, 1970 et aujourd’hui

Les disparités entre l’inflation des biens et services dans les années 1940, les années 1970 et aujourd’hui témoignent de l’évolution de l’économie mondiale, des politiques gouvernementales, du comportement des consommateurs et des facteurs exogènes.

Années 1940 : une inflation équilibrée

Dans les années 1940, l’inflation des biens et des services se manifestait de façon plus homogène. Le monde devait composer avec les conséquences de la Grande Dépression, d’autant plus que la Seconde Guerre mondiale exigeait une vaste réaffectation des ressources. L’équilibre entre l’inflation des biens et celle des services découle en grande partie des difficultés économiques générales et du passage d’une économie de guerre à une économie de paix.

Années 1970 : une inflation des biens supérieure à celle des services

Les années 1970 étaient marquées par un fossé important entre l’inflation des biens, qui atteignait 10.3 % en 1973, et l’inflation des services. Il s’explique principalement par l’embargo pétrolier de l’OPEP, qui a provoqué une hausse spectaculaire des coûts de production et fait quadrupler le prix de l’or noir. Les entreprises ont refilé l’augmentation des coûts aux consommateurs, ce qui a entraîné une hausse des prix des biens. Moins touchés directement par les effets de la crise pétrolière, les services subissaient une inflation plus faible de 6,4 %.

Aujourd’hui : l’inflation des services en tête de peloton

Dans le contexte économique actuel, l’inflation des services s’établit présentement à 5,16 %, alors que l’inflation des biens s’élève à 1,4 %. Ce revirement découle principalement de la pandémie de COVID-19, qui a bouleversé le comportement et les habitudes des consommateurs. Face aux mesures de confinement et de distanciation sociale, la population a dû limiter ses achats de biens non essentiels et s’est tournée vers les services, particulièrement dans le monde numérique. Ce déplacement de la demande a provoqué une flambée des prix de services tels que la diffusion en continu, la formation en ligne et la télémédecine. Bref, si le contexte économique actuel est aussi différent des épisodes d’inflation précédents, c’est en raison du rôle prédominant de l’inflation des services.

Dynamique de l’inflation salariale : précisions sur les années 1940 et 1970

Les spirales d’inflation salariale observées dans les années 1940 et 1970 étaient fonction des contextes économiques, politiques et sociaux de leur époque. Pour comprendre les mécanismes derrière ce phénomène, nous devons nous pencher sur les conditions qui ont façonné les deux décennies.

Années 1940 : pressions complexes sur les salaires de l’après-guerre

C’est la fin de la Seconde Guerre mondiale qui a façonné, en majeure partie, la spirale d’inflation salariale des années 1940. Cette pression haussière sur les salaires et l’inflation est attribuable à des interactions complexes entre plusieurs facteurs. Ainsi, le marché du travail a dû s’adapter au retour du personnel militaire à la vie civile, qui a provoqué une augmentation substantielle de la main-d’œuvre et transformé le paysage des compétences, compte tenu de l’arrivée des femmes sur le marché du travail pendant le conflit et de la reconversion des industries liées à la guerre.

Un autre facteur qui a joué un rôle important dans la dynamique des salaires est le degré d’intervention des autorités. Pensons notamment au « G.I. Bill », qui a fourni aux anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale une aide financière pour l’éducation, le logement et les occasions d’affaires et qui a eu des retombées sur les conditions du marché du travail et les perspectives salariales. De plus, les syndicats ont joué un rôle crucial dans les pressions salariales. En 1945, leur nombre de membres a explosé pour atteindre 14 millions ou quelque 35 % de la main-d’œuvre non agricole, ce qui leur a donné des munitions pour faire la grève, négocier des conventions collectives et influencer encore plus l’environnement inflationniste.

Malgré ces facteurs apparemment puissants, la spirale inflationniste des années 1940 était relativement contenue, et la croissance des salaires annualisée a atteint un plateau de 14,4 % en 1947. Parmi les facteurs qui ont contribué à modérer l’inflation, il y a le vif accent sur la reconstruction et le redressement des industries, ainsi que la nature continue des interventions gouvernementales, telles que le contrôle des prix et les systèmes de rationnement.

Années 1970 : crise pétrolière et hausse des salaires

La spirale de l’inflation salariale des années 1970 était nettement différente de celle des décennies précédentes, en grande partie à cause de l’embargo pétrolier de l’OPEP et de ses graves répercussions sur les prix des biens et le coût de la vie.

En raison de la flambée des prix du pétrole, les entreprises ont dû composer avec l’augmentation des coûts de production, qu’elles ont répercutée sur les consommateurs, provoquant une forte hausse des prix des biens. C’est ainsi qu’entre 1973 et 1982, les prix à la consommation des biens aux États-Unis ont augmenté en moyenne de 7,4 % par année. Face à la hausse du coût de la vie, les travailleurs ont exigé une augmentation des salaires pour maintenir leur niveau de vie.

Un bon exemple de la spirale de l’inflation salariale à l’œuvre est la grève des mineurs de charbon au Royaume-Uni en 1974, qui s’est traduite par une augmentation des salaires de 35 %. L’entente a alimenté un cercle vicieux d’augmentation des prix et des salaires.

Dans les années 1970, l’inflation était obstinément élevée, et tout le monde s’attendait à ce qu’elle reste pour longtemps. Résultat : les entreprises et les travailleurs en ont tenu compte dans leurs décisions de fixation des salaires et des prix, ce qui a perpétué la spirale de l’inflation salariale. C’est ainsi qu’en 1980, l’inflation annuelle aux États-Unis a atteint son point culminant de 13,5 %.

Pour lutter contre l’inflation au cours de cette période, les autorités ont adopté différentes mesures, telles que des politiques monétaires et budgétaires, et tenté de réguler les salaires et les prix, mais en vain. En fait, ces politiques ont bien souvent eu des conséquences inattendues, telles que la stagflation (stagnation de la croissance économique jumelée à la vigueur de l’inflation et du taux de chômage). Dans d’autres cas, les autorités se sont heurtées à la résistance du public, ce qui leur a compliqué la tâche de juguler l’inflation.

Dynamique actuelle de l’inflation salariale :

Par rapport aux années 1940 et 1970, la dynamique actuelle de l’inflation salariale est à la fois unique et complexe. En effet, plusieurs facteurs façonnent le paysage actuel et soulignent le caractère diversifié du contexte économique.

Tout d’abord, la pandémie de COVID-19 a temporairement perturbé les marchés du travail partout dans le monde. D’une part, elle a entraîné de nombreux licenciements et mises à pied dans des secteurs gravement touchés, tels que les loisirs, l’hôtellerie, le commerce de détail et le tourisme. Ensuite, elle a haussé la demande de travailleurs dans d’autres secteurs tels que le commerce électronique, les soins de santé et la technologie, ce qui a entraîné une pression haussière sur les salaires.

La pandémie a également accéléré l’adoption du télétravail, qui permet aux employés de travailler de la maison ou de s’installer dans des régions plus abordables tout en conservant leur emploi. Ce virage a bouleversé la dynamique de l’offre de main-d’œuvre en donnant accès aux entreprises à un bassin élargi de candidats de différentes régions, ce qui a potentiellement accru le pouvoir de négociation des travailleurs et leurs revendications salariales.

Partout dans le monde, les autorités ont adopté une vaste gamme de mesures pour aider les employeurs et les employés pendant la crise. Des programmes tels que les allocations de chômage, le soutien salarial et les versements en argent ont temporairement allégé les pressions baissières sur les salaires. Cependant, le retrait progressif ou la suppression de ces programmes a changé la dynamique sur le marché du travail et exercé de nouvelles pressions sur les salaires.

Dans un paysage économique sans cesse changeant, certaines compétences sont de plus en plus demandées alors que d’autres deviennent obsolètes. Jumelée à l’essor de l’automatisation et de l’intelligence artificielle dans différents secteurs, cette inadéquation entre les compétences est un autre facteur derrière la dynamique salariale. En effet, elle peut provoquer des pénuries de main-d’œuvre hautement qualifiée, ce qui avive la concurrence chez ces travailleurs et entraîne des salaires plus élevés.

Enfin, attribuable à des facteurs comme les perturbations des chaînes d’approvisionnement, la demande refoulée des consommateurs et les mesures de relance budgétaire, la récente remontée de l’inflation a suscité certaines inquiétudes. En effet, elle pourrait inciter les entreprises et les travailleurs à anticiper de nouvelles hausses et à en tenir compte dans leurs décisions de fixation des salaires et des prix, ce qui favoriserait une course entre les salaires et les prix.

Observations finales sur l’inflation

Chacune des périodes inflationnistes des décennies 1940, 1970 et d’aujourd’hui présente clairement des caractéristiques et des facteurs distincts. Bien que cette analyse soit principalement axée sur les États-Unis, les conclusions générales peuvent s’appliquer à d’autres marchés développés. Il est indispensable de reconnaître les différences entre les périodes, car il va de notre capacité à naviguer dans le contexte inflationniste actuel et à adapter nos stratégies financières en conséquence.

D’une part, les pressions inflationnistes en cours diffèrent sensiblement de celle des années 1970, qui était caractérisée par l’embargo pétrolier de l’OPEP et par la course entre les salaires et les prix qui s’en est suivie. En revanche, elles comportent différentes facettes : perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales dans la foulée de la pandémie de COVID-19, mesures de relance budgétaire et reprise économique inégale.

Deux autres facteurs rendent le contexte économique actuel unique : la dynamique changeante de l’inflation des biens et des services et l’évolution de l’inflation salariale. En prenant conscience de ces différences et en tirant les leçons des enjeux de l’inflation dans les années 1940 et 1970, les professionnels de la finance et les observateurs des marchés peuvent se familiariser avec les pressions inflationnistes actuelles et trouver les stratégies qui conviennent le mieux pour y faire face.

Conclusion

Actions

Le contexte macroéconomique demeure un facteur de risque, alors que les impacts décalés de la politique monétaire poursuivent tranquillement leur progression dans l’économie et les marchés.

Le secteur manufacturier est déjà en récession et semble avoir récemment atteint un creux. Toutefois, l’indice ISM manufacturier est un indicateur avancé de la croissance des revenus et des bénéfices du S&P 500, et la relation historique est trop forte pour être ignorée.

La performance du ratio actions/obligations mondiales dépend également du comportement du cycle manufacturier mondial. Même si les données macroéconomiques se sont récemment améliorées, nous préférons attendre avant de déclarer un niveau plancher, du moins jusqu’à ce que nous ayons franchi l’obstacle créé par la politique fiscale à court terme et ultra stimulante aux États-Unis.

Néanmoins, notre cadre intégré fait usage de nos opinions macroéconomiques et les combine avec d’autres facteurs importants comme le momentum, la valorisation et l’analyse du sentiment. Bien que nos perspectives macroéconomiques ne militent pas en faveur d’une prise de risque, le portrait est un peu plus positif d’un point de vue tactique sur le momentum et la valorisation.

En ce qui a trait au momentum1 , notre cadre montre des divergences régionales.

Du côté des indices américains, les tendances à court terme sont devenues négatives pour chaque indice, alors que les tendances à long terme, qui évoluent plus lentement, demeurent positives. La tendance à moyen terme diverge entre le NASDAQ et le S&P 500, avec un signal plus négatif pour ce dernier.

À l’extérieur des États-Unis, nous observons des signaux de momentum généralement négatifs sur chaque intervalle de temps, avec quelques signaux positifs envoyés par les indices Nikkei et EAEO sur les composantes moyenne ou lente. Dans l’ensemble, bien que le momentum nous ait poussés à adopter un positionnement plus favorable sur les actions mondiales au cours des derniers mois, la détérioration de la plupart des tendances plaide pour une réduction de l’exposition aux actions.

En ce qui a trait à la valorisation, les signaux sont contradictoires selon les régions. Comme l’illustre le tableau ci-dessous, les indices américains de grandes capitalisations sont considérés comme chers par rapport à leur historique selon la plupart des indicateurs, avec des centiles médians sur 10 ans de 72 % pour le S&P 500 et 77 % pour le NASDAQ, bien au-dessus du Canada (11 %), de l’EAEO (7 %) et du Japon (20 %). Aux États-Unis, les petites capitalisations demeurent abordables avec un centile médian à 8 %, parmi les plus bas présentés ci-dessous.

Les marchés émergents sont plus contrastés, avec le centile médian à 44 %, près du point milieu.

Enfin, en raison de la pondération importante des États-Unis dans les indices mondiaux, les indices MSCI Monde et ACWI affichent des centiles médians d’environ 50 %.

Quant au sentiment, la perception des investisseurs a changé radicalement dans la dernière année, passant de fortement négative à fortement positive, comme en témoignent le sondage sur le sentiment publié par AAII et le largement suivi JP Morgan Global Equity Sentiment Indicator.

Le positionnement actuel des investisseurs semble aussi plus neutre, et le niveau de l’indice VIX tourne encore autour de 20. Tout compte fait, ceci indique un sentiment plus équilibré, avec l’enthousiasme excessif récent des investisseurs individuels maintenant en grande partie disparu.

Pour conclure sur les actions, nos signaux macroéconomiques et le momentum n’encouragent pas une prise de risque, mais les valorisations et le sentiment militent en faveur d’un positionnement moins défensif en dehors des grands indices boursiers américains.

Revenu fixe

Les taux à long terme nord-américains ont poursuivi leur tendance haussière en octobre, avec des gains atteignant jusqu’à 30 points de base sur une semaine seulement à la mi mois.

Les récentes révisions aux anticipations de croissance (le scénario d’atterrissage en douceur, auquel nous n’adhérons pas, continue à gagner en popularité), l’inflation attendue (la prime de risque géopolitique découlant des flambées au Moyen-Orient) et la prime de terme (les investisseurs entendent désormais le message de « taux plus élevés, plus longtemps » des banquiers centraux) ont tous contribué à pousser le taux américain à 10 ans à 5 % pour la première fois depuis 2007.

Notre cadre macro nous envoie des signaux convaincants en faveur d’une surpondération des obligations souveraines et de la durée. Compte tenu de la popularité du scénario d’atterrissage en douceur et de notre opinion au sujet des effets négatifs du resserrement monétaire sur la croissance qui ne se font pas encore pleinement sentir, nous nous attendons à des surprises négatives du côté de la croissance et de l’inflation au cours des prochains trimestres, lesquelles pourraient exercer une pression à la baisse sur les taux souverains à long terme.

En ce qui a trait au momentum, nous devons reconnaître que les tendances récentes ont été plutôt défavorables, mais les signaux rapides s’améliorent des deux côtés de la frontière alors que les taux du marché ont grimpé à un sommet de 15 ans. La route pour atteindre les niveaux actuels a été sinueuse et il est impossible de prévoir le moment du renversement lors de mouvements aussi impressionnants et soutenus. Nous surveillerons le comportement des signaux rapides et moyens avant de déclarer une inversion du momentum de manière définitive.

Du point de vue de la valorisation, les obligations souveraines sont redevenues attrayantes.

Bien qu’il soit généralement délicat de déterminer la juste valeur des taux d’intérêt, nous croyons fermement à l’utilisation des relations à long terme comme guides d’investissement. Lorsque nous examinons les rendements historiques des obligations américaines à 10 ans à l’aide du modèle de Bogle et Nolan, nous constatons que le principal facteur déterminant des rendements à long terme est, tout simplement, le taux qui prévaut au moment de l’achat. Les gains en capital ont donc tendance à être moins importants avec le temps.

La valorisation actuelle ne nous dit rien au sujet du rendement espéré des obligations souveraines à court terme, mais si l’on se fie à cette relation historique étroite, elle nous indique que le point d’entrée actuel semble meilleur que tout autre point au cours des 15 dernières années.

En ce qui a trait aux obligations de sociétés, les écarts demeurent serrés autant pour les obligations de qualité investissement que les obligations à haut rendement comparativement aux périodes de récession précédentes. Ceci nous indique que ce segment est soit abordable, soit cher, tout dépendant du dénouement économique de 2024.

Alors que notre cadre macro prévoit toujours un risque de récession légère au cours des prochains trimestres, nous avons tendance à conclure que les écarts devraient être plus importants, surtout pour les obligations à haut rendement, ce qui nous incite à adopter un positionnement nettement sous pondéré.

Du côté des obligations de qualité investissement, la résilience des écarts due à la forte demande institutionnelle pour les titres de grande qualité nous a poussés à demeurer légèrement surpondérés cette année. Nous savons aussi qu’historiquement, les écarts des obligations à haut rendement s’élargissent beaucoup plus que les écarts des obligations de qualité investissement lors d’une récession, ce qui ajoute à l’attrait d’une position longue/courte qui pourrait être favorable si le contexte macro se détériorait.

Finalement, du côté du sentiment des investisseurs, nous notons que l’indice MOVE (qui représente la volatilité implicite du marché obligataire) ressort toujours du lot et indique une grande nervosité sur le marché.

Bien que cette nervosité n’ait rien de surprenant, compte tenu de la violence de la revalorisation récente du marché obligataire, elle continue d’indiquer qu’un positionnement long à contre-courant est judicieux. Le sondage des clients de JP Morgan envoie aussi un signal positif selon lequel les investisseurs institutionnels conservent un positionnement net long.

Pour finir, le ratio put-call sur les obligations du Trésor américain à 10 ans est monté au-dessus de 1 le mois dernier, mais cette tendance semble vouloir s’inverser. Ceci indique un appétit moindre pour l’achat de protection et l’émergence d’opinions positives sur l’actif.

Dans l’ensemble, bien que le momentum ait été nettement défavorable à un positionnement surpondéré dans le revenu fixe jusqu’à présent en 2023, les signaux convaincants qui émergent de notre analyse macro, de la valorisation et du sentiment se conjuguent en faveur d’une position surpondérée, surtout dans les obligations souveraines à longue durée et les obligations de sociétés de qualité, et d’une sous-pondération importante dans les obligations à haut rendement de moindre qualité.

Produits de base et devises

Le retour en force des tensions au Moyen-Orient a déjà fait augmenter la prime de risque géopolitique sur le pétrole, et nous pourrions voir les prix mondiaux du pétrole grimper davantage si le conflit actuel devait s’étendre dans la région. Cette situation rend les énergies fossiles encore plus attrayantes comme classe d’actifs à court terme, tout en rendant le contexte macro, les attentes en matière d’inflation et les perspectives pour les métaux de base plus ambigus, en raison de la pression que peuvent exercer les prix de l’énergie sur la croissance mondiale.

Pour donner suite à nos commentaires du mois dernier au sujet du potentiel de surperformance des produits de base par rapport aux actions américaines dans les mois à venir, les événements d’octobre n’ont fait que renforcer notre point de vue, surtout en raison de la hausse des prix du pétrole.

Notre cadre d’analyse du momentum suggère que le pétrole et l’or sont favorisés à court terme, l’or affichant également une tendance haussière à long terme. Le cuivre, en revanche, affiche un portrait plus négatif.

Ce mois-ci, notre attention se tourne vers l’or.

L’or a connu un rebond intéressant en octobre dans la foulée du conflit entre Israël et Gaza, jouant son rôle d’élément de diversification géopolitique dans les portefeuilles. Le potentiel de gains supplémentaires demeure une question en suspens en raison de l’augmentation des taux réels et du dollar américain, mais il semble que le métal jaune continue d’avoir sa place malgré l’émergence des cryptomonnaies.

La récente performance relative de l’or par rapport à d’autres classes d’actifs nous rappelle qu’il constitue un élément essentiel d’un portefeuille bien diversifié en période de turbulences géopolitiques. Non seulement l’or a surclassé les actions américaines, mais aussi le panier de produits de base dans son ensemble en octobre. Puisque le contexte géopolitique au Moyen-Orient demeure instable et que l’or commence à peine à réagir, nous chercherons à identifier un bon point d’entrée dans l’or au cours du prochain mois, qui pourrait survenir après un repli à court terme ou si le cours devait franchir les niveaux de résistance récents de manière convaincante.

En ce qui a trait aux devises, la force du dollar américain au cours des six derniers mois a été énorme, et le momentum du dollar canadien est négatif sur tous les intervalles de temps. L’euro semble encore favorisé par les mesures de momentum à long terme, mais la détérioration des composantes rapide et moyenne est de mauvais augure pour l’expression d’une opinion positive. Le signal du momentum est clair : il faut s’abstenir (pour l’instant) d’aller à l’encontre de la tendance du dollar américain.

Finalement, le dollar canadien peine toujours à trouver une assise malgré la résilience des prix du pétrole. Pour l’instant, il semble que les inquiétudes relatives au cycle économique mondial poussent les flux de capitaux vers le refuge qu’offre le dollar américain. Il faudra sans doute que les données macroéconomiques atteignent un niveau plancher apparent ou une flambée des prix du pétrole pour que le dollar canadien reprenne une tendance haussière.

Néanmoins, comme nous l’avons mentionné plusieurs fois dans des publications antérieures, nous sommes d’avis qu’en raison de la résilience de l’économie canadienne, le huard pourrait être la première devise à sortir de son marasme lorsque nous verrons enfin le début d’un tout nouveau cycle économique.

Sébastien Mc Mahon

Vice-président, allocation d'actifs, stratège en chef, économiste sénior et gestionnaire de portefeuilles

Lire la bio east