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Macro & Stratégie - Mars 2024

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L’hiver tire à sa fin, les baisses de taux approchent

L’année a commencé sur une bonne nouvelle : l’inflation canadienne a brusquement ralenti en janvier.

Les données les plus récentes sur l’inflation, et la dernière lecture avant la décision du 6 mars de la Banque du Canada (BdC), étaient positives à plusieurs niveaux. À 2,9 % en janvier, le rythme actuel est déjà confortablement inférieur à la prévision la plus récente du Rapport sur la politique monétaire (RPM) de janvier 2024 de la BdC, qui s’établissait à 3,2 % pour le premier trimestre.

Les prix des denrées alimentaires redescendent également sur terre, avec leur plus faible hausse mensuelle depuis mars 2021 (0,1 %) et leur plus faible hausse annuelle (4,0 %) depuis novembre 2021. Étant donné l’importance des prix des denrées alimentaires dans la perception de l’inflation totale par les ménages, ces données augurent bien pour les prochaines enquêtes. Nous pensons toujours que l’inflation totale restera près de 3,0 % en moyenne au premier semestre, compte tenu des pressions salariales, de l’absence de gains de productivité et des coûts du logement, mais nous gardons l’esprit ouvert.

Après tout, la croissance démographique historiquement élevée au pays alimente l’inflation du prix des logements (6,2 % en glissement annuel et toujours en hausse), en grande partie dû à l’augmentation des loyers (7,9 % en glissement annuel) et des intérêts hypothécaires (27,4 % en glissement annuel). La pression sur les loyers est une conséquence directe de la démographie, et les taux d’intérêt élevés sont devenus inflationnistes alors que les prêts hypothécaires sont renégociés à des taux plus élevés ET que les mises en chantier s’effondrent sous le poids des coûts de financement élevés.

La question est la suivante : une inflation plus faible que prévu au premier semestre signifierait-elle que les baisses de taux attendues pour cette année surviendront plus rapidement? La réaction spontanée du marché obligataire pourrait être interprétée comme une indication que la BdC commencera à assouplir les conditions financières plus tôt. Cela dit, notre réponse est : pas vraiment.

Pourquoi la BdC commencerait-elle à réduire son taux directeur cet été?

Les dernières communications de la BdC étaient claires : la politique monétaire est un outil imprécis et la baisse des taux d’intérêt n’est pas la solution miracle que certains espèrent. Bien sûr, nous pouvons tous être d’accord avec la BdC, mais lorsque l’on examine les données relatives à l’inflation, les astres semblent s’aligner pour qu’un cycle d’assouplissement commence cet été, même si l’inflation reste obstinément près de 3,0 %.

La BdC a reconnu dans son RPM de janvier que l’inflation d’un large éventail de biens et services a ralenti en réponse aux taux élevés (l’inflation hors logement a considérablement ralenti et s’établit actuellement à 1,5 % en glissement annuel), ce qui signifie que la politique monétaire est efficace. L’inflation du prix des logements, en revanche, reste trop élevée et se résorbe plus lentement que lors des cycles précédents, étant donné les forces démographiques en présence.

Comme le mandat de la BdC consiste à maintenir l’inflation totale à son niveau cible, la politique monétaire canadienne est devenue une entreprise délicate. La démographie, sur laquelle la BdC n’a absolument aucun contrôle, risque de maintenir la mesure cible de l’inflation à un niveau plus élevé pendant plus longtemps. En bref, la BdC est en partie tenue responsable de la crise du logement et cherche à se sortir de cette position inconfortable. La décomposition des sources d’inflation en deux parties (logement et hors logement) est un moyen efficace d’ouvrir la porte à des baisses de taux malgré une inflation persistante.

Notre lecture des dernières communications de la BdC est que le conseil de direction se prépare à donner de l’air à une économie canadienne qui étouffe (en récession par habitant depuis plus d’un an) et, espérons-le, pour atténuer certaines pressions sur le secteur immobilier résidentiel. Mais convaincre les Canadiens et les marchés qu’il est prudent de commencer à assouplir la politique monétaire avant que l’inflation totale ne se dirige fermement vers son objectif (c’est-à-dire, entre autres, avant que la croissance des salaires ne tombe en dessous du seuil de 5 %) prendra du temps et nécessitera une bonne dose d’habileté. Rétrospectivement, le discours de décembre 2023 du sous-gouverneur Toni Gravelle a constitué la première étape de ce processus.

Donc, oui, les baisses de taux approchent, et nous avons encerclé la date de publication du taux directeur du 24 juillet dans nos calendriers comme étant le début probable du processus de normalisation. Nous prévoyons des réductions à chaque réunion subséquente en 2024, pour un total de quatre baisses. Mais ce point de vue n’est pas coulé dans le béton; une forte détérioration du contexte macroéconomique ou quelques données sur l’inflation plus favorables que prévu pourraient devancer les premières baisses de taux au premier semestre.

La question n’est donc pas tant de savoir quand, mais pourquoi des baisses de taux sont à venir. Cette fois-ci, compte tenu de la tempête parfaite créée par une démographie en plein essor et des taux élevés qui compriment le marché du logement, la bonne voie pour la BdC est probablement de faire passer son message au cours du prochain trimestre et de se positionner pour commencer à agir dès cet été.

Les attentes autour du monde

Depuis notre publication de janvier, les marchés ont considérablement réévalué le nombre de baisses de taux anticipées cette année. Nous nous attendions déjà à ce que la BdC procède à environ quatre réductions, que la Fed en fasse un peu moins et que la BCE agisse en premier. Les prix du marché ne sont pas tout à fait en phase avec nos prévisions, bien qu’ils s’en rapprochent.

Perspectives actuelles

Nous demeurons raisonnablement optimistes en ce qui concerne les marchés boursiers.

Le sentiment a évolué au cours des derniers mois, reflétant la probabilité moindre d’une récession, et les multiples cours-bénéfices ont augmenté en conséquence. Cela dit, il y a encore de bonnes chances que les marchés poursuivent leur trajectoire à la hausse, car : 1) si l’inflation continue de ralentir, les banques centrales pourraient procéder à des baisses de taux plus importantes que prévu (ce n’est pas notre scénario central, mais c’est une possibilité), ce qui stimulerait les actions; 2) les bénéfices pourraient être dopés par les revenus tirés de l’IA, ce dont profiteraient les entreprises technologiques à très grande capitalisation; et 3) la reprise du marché des actions pourrait s’étendre au-delà des grandes entreprises technologiques si l’économie s’accélère à nouveau.

Par conséquent, bien que le rallye boursier ait été impressionnant depuis l’automne 2023, nous pensons qu’il est trop tôt pour annoncer sa fin.

Nos perspectives sont plus neutres, voire légèrement prudentes, en ce qui a trait aux titres à revenu fixe. Comme nous l’avons mentionné plus haut, nous prévoyons moins de baisses de taux de la part de la Fed cette année (deux ou trois) que ce qui est actuellement prévu par les marchés (quatre). Bien qu’un écart de 25 à 50 points de base ne soit pas si important, la courbe des taux pourrait se réajuster légèrement à la hausse en conséquence, en particulier sur la partie à court terme.

C’est pourquoi nous sous-pondérons légèrement les titres à revenu fixe américains et canadiens. Cela dit, ce décalage perçu entre les prix du marché et nos opinions reste faible et nous ne croyons pas qu’il posera un problème important pour les marchés boursiers comme ce fut le cas en 2022.

Enfin, nous avons une modeste sous-pondération dans les obligations à haut rendement.

Cette classe d’actifs se négocie à des niveaux historiquement chers et les emprunteurs de moindre qualité refinancent leur dette à des coupons plus élevés. Par conséquent, la probabilité d’une performance soutenue des obligations à haut rendement est limitée, et nous préférons une exposition aux actifs risqués par l’entremise des actions, où les bilans sont plus sains et où les entreprises sont plus exposées à des innovations technologiques prometteuses.

Sébastien Mc Mahon

Vice-président, allocation d'actifs, stratège en chef, économiste sénior et gestionnaire de portefeuilles

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